La chambre obscure - la critique + test DVD

Un merveilleux et piquant conte médiéval qui est aussi un enchantement pour l’oeil, admirablement édité en DVD.

L’argument : Dans le monde du XIVème siècle, la jeune Aliénor rompt avec le destin des filles pour suivre ce que son désir lui dicte. Au péril de sa vie, elle parvient à soigner le roi de France, victime d’une fistule. En récompense, elle demande au souverain de la marier avec Bertrand de Roussillon qu’elle aime depuis son enfance, convaincue de le mériter mieux que quiconque. Mais celui-ci refuse de consommer le mariage et s’enfuit combattre en Toscane. Obstinée, Aliénor le retrouve en Italie et se fait passer pour une autre femme, une jeune Italienne que Bertrand désire ardemment...

Notre avis : L’actrice Marie-Christine Questerbert, dont c’est le seul long métrage en tant que réalisatrice , a adapté une nouvelle du Décaméron de Boccace avec la complicité de Danièle Dubroux dont on reconnaît l’humour malicieux.
Le choix de l’histoire de Bertrand de Roussilllon et de sa femme Aliénor s’avère judicieux car il permet de traiter du thème du désir avec plus de profondeur et de pertinence qu’il n’y paraît d’abord, et de développer un jeu subtil sur les apparences. Bertrand ne peut voir sa femme, pas même en peinture : la Madonne à laquelle elle a servi de modèle le révulse. Mais il peut partager avec elle la chambre obscure sans problème, et en parfaite connaissance de cause.

Pour illustrer ce conte piquant et délibérément érotique du Trecento Marie Christine Questerbert a choisi un parti pris délibérément irréaliste et pictural. Ce n’est pas un hasard si la peinture occupe une place importante dans le film. Hugues Quester y joue le rôle d’un maître qui ne dédaigne pas déléguer certaines parties de son travail à son atelier, en l’occurrence à l’élève joué par Matthieu Demy. L’esthétique des fresques de Giotto est une source d’inspiration évidente dans la partie se déroulant en Toscane avec, par exemple, ces personnages qui observent la scène de leur fenêtre en haut du tableau. A d’autres moments on est dans l’univers de l’enluminure avec ses déroutantes perspectives d’avant le Quattrocento et ses couleurs franches et éclatantes.

Le travail sur les décors est ici primordial, étonnant mélange de carton-pâte ou de toile peinte et d’éléments réalistes : vrais animaux, superbes costumes dont le poids détermine les mouvements des acteurs. On pense bien sûr au Perceval de Rohmer , mais aussi à Paradjanov et bien sûr au Pasolini du Décaméron, Bocacce oblige. Certaines scènes sont filmées en pleine nature sans que le spectateur ait la sensation d’une rupture de ton, preuve qu’un univers parfaitement cohérent a su être crée. Un univers merveilleux et en même temps bien réel où l’espace est régi par des lois déroutantes, celles de peinture du Trecento justemment. Le dépaysement est garanti.

Ce travail subtil et délicieux de déplacement est perceptible aussi dans les dialogues qui mêlent archaïsmes et tournures contemporaines. Les acteurs s’amusent à jouer légèrement décalé, mais avec le plus grand sérieux, comme il se doit pour que le charme opère. Nombreuses sont les silhouettes savoureuses incarnées souvent par des visages connus : Edith Scob, Jean-Christophe Bouvet, Luis Rego...
Cette Chambre obscure est décidément un objet bien singulier. Il amuse, intrigue et finit par enchanter.
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Le DVD

Bravo à l’éditeur Blaqout pour l’heureuse initiative d’éditer en DVD et dans d’excellentes conditions cette oeuvre singulière et précieuse.

Les suppléments

Une préface de Hervé Joubert-Laurencin lue en voix off sur des images du film, brêve mais parfaitement pertinente et éclairante.

Image

Un éblouissement : éclat des couleurs, parfaite définition. Bravo pour ce travail admirable qui permet d’apprécier à sa juste mesure le formidable travail pictural du film.

Son

Du bon travail là aussi : un son dolby stéréo parfaitement défini avec quelques discrets effets de stéréophonie.