Littérature
Le 15 octobre 2002
Noëlle Châtelet évoque sans détours mais avec une pudeur extrême ce parcours inimaginable d’un sexe vers l’autre.
- Auteur : Noëlle Châtelet
- Editeur : Editions du Seuil
- Genre : Roman & fiction
- Festival : Festival de Cognac 2004, Festival de Cognac 2005
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Noëlle Châtelet vient de voir son dernier roman récompensé par le premier Prix DS Magazine du livre de société. Depuis son premier livre, en 1976, elle enchaîne récits et romans avec discrétion et talent, construisant une œuvre toute pétrie de la fascination du corps. Ses transformations, ses aberrations, sa poésie... le corps est au centre de cette œuvre minutieuse. La tête en bas s’y inscrit comme un témoignage, un morceau de vie, une parole à la fois douce et violente.
Paul se hait d’être Denise, celle qui l’habite, s’impose aux yeux du monde. Geneviève le sait, qui veut être sa Virginie, et le pousse, de toute sa douceur de vraie fille, "côté ballon". Mais Paul doit vivre avec Denise, avec "sa fente sournoise", dans ce corps qui ne ressemble à rien. Quand il n’aspire qu’au bonheur de se soulager contre un pommier, comme un homme, ou de combler une femme, lui qui n’a qu’un sexe d’enfant.
La tête en bas explore la question du corps sexué et de son identité, à travers l’histoire à la première personne d’un hermaphrodite, sans jamais risquer la tentation du sensationnel. Noëlle Châtelet évoque sans détours mais avec une pudeur extrême ce parcours inimaginable d’un sexe vers l’autre, d’une identité à l’autre. Dans ce corps incertain se livre un combat sans merci. Paul raconte son histoire, son désespoir, son amour, sa haine de lui. Comment être tout à la fois la Denise chérie de sa mère, en socquettes et rubans roses, et le Paul de son père, "sur le grand trapèze, [...] la tête en bas" ? Comment se défaire de ce sentiment d’être un monstre, un corps sens dessus dessous ? "Mon corps est mon mortel ennemi"...
Pourtant, au fil des rencontres, lorsque les mots parviennent à se dire, c’est le regard des autres qui changera le monstre en "joyau", en "objet précieux". Quand l’indicible peut s’exprimer, tout simplement, c’est l’acceptation de soi qu’il impose comme une évidence."Je suis en réalité une fille, mais je ne suis pas une fille puisque je suis un garçon." Une vie d’esquives et de faux-semblants, une enfance entre doute et certitudes, ballotté entre marelle et ballon, "une jambe de chaque côté de la ligne entre filles et garçons".
La tête en bas, c’est la quête d’une identité, de la conscience d’être soi et pas un autre, qui ne peut que commencer par l’appartenance à un sexe. C’est l’histoire de cette réconciliation avec soi-même, quand ce corps étrange cesse d’être une honte, illuminé par le regard de l’autre.
Noëlle Châtelet, La tête en bas, Seuil, 2002, 160 pages, 14 €
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