Le 30 octobre 2016
Un vibrant plaidoyer pour la sécurité sociale et l’un de ses fondateurs injustement oublié, Ambroise Croizat.
- Réalisateur : Gilles Perret
- Genre : Documentaire
- Durée : 1h24min
- Date de sortie : 9 novembre 2016
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Résumé : Il y a 70 ans, les ordonnances promulguant les champs d’application de la sécurité sociale étaient votées par le Gouvernement provisoire de la République. Un vieux rêve séculaire émanant des peuples à vouloir vivre sans l’angoisse du lendemain voyait enfin le jour. Le principal bâtisseur de cet édifice des plus humaniste qui soit se nommait Ambroise Croizat. Qui le connait aujourd’hui ? 70 ans plus tard, il est temps de raconter cette belle histoire de « la sécu ». D’où elle vient, comment elle a pu devenir possible, quels sont ses principes de base, qui en sont ses bâtisseurs et qu’est-elle devenue au fil des décennies ? Au final, se dresseront en parallèle le portrait d’un homme, l’histoire d’une longue lutte vers la dignité et le portrait d’une institution incarnée par ses acteurs du quotidien.
Copyright Rouge Productions
Critique : Commençons par un rire franc, le seul que provoque ce magnifique documentaire : l’inénarrable Claude Reichman, chirurgien-dentiste et homme politique qui flirta avec l’extrême-droite, s’en prend, face caméra, au régime de protection sociale, instauré selon lui par une France alors rongée par le communisme. Il en est d’ailleurs persuadé : nous demeurons l’un des derniers bastions de cette idéologie politique, avec Cuba et la Corée du Nord !
Reichman ne provoquerait qu’un haussement d’épaules, s’il ne participait d’un mouvement plus général de contestation des acquis sociaux obtenus à partir de 1945, dans la foulée des préconisations du Conseil National de la Résistance. On ne s’esclaffe plus du tout lorsqu’à la tribune du MEDEF, en 2013, Denis Kessler, le PDG de Scor réassurance assène des sentences comminatoires, ""Il faut préférer l’accumulation à la redistribution" ou "Je préfère la capitalisation à la répartition", tandis que la caméra saisit des réactions hilares de la salle. Ces atteintes qui portent le sceau du néolibéralisme, ne font pas l’économie d’un assaut sur ce qu’Ambroise Croizat et d’autres ont instauré, avec l’idée d’une démocratie sociale qui protègerait chaque personne. On oublie souvent, parce qu’elle fait partie de notre quotidien, que la sécurité sociale a fait baisser le taux de mortalité infantile et a considérablement prolongé notre espérance de vie. Ce ne sont que deux effets de ce système de protection, conçu dans un souci d’égalité entre les individus. Comme le rappelle l’historien Michel Etiévent, dont les commentaires scandent cette oeuvre pédagogique, "la création de la sécu, c’est une grande bataille pour la dignité, une grand bataille pour la santé et la vie. C’est aussi la volonté de se dégager des charités pour aller vers la solidarité."
Le film rend hommage aux pionniers de cette entreprise : il suit notamment un ancien responsable de la CGT de Haute-Savoie, Jolfred Frégonara, un des derniers "poilus" de cette époque fondatrice et qui oeuvra, sur le terrain, à la mise en place de cette sécu à laquelle les Français demeurent viscéralement attachés. Né en 1919 dans une famille athée, Frégonara a d’abord été un jeune homme qui a emprunté l’itinéraire classique du militantisme ouvrier, en adhérant à la CGT, sitôt sorti d’une formation en mécanique. La période du Front Populaire a forgé son engagement politique. Après la guerre, il a été chargé de la mise en place d’une caisse de sécurité sociale en Haute-Savoie.
Le vieil homme, récemment disparu, est resté engagé jusqu’au bout. Ici, on le voit défendre le modèle auquel il a contribué avec d’autres, devant une assemblée d’étudiants, à l’Ecole Nationale Supérieure de la Sécurité Sociale. Il s’étonne que le nom d’Ambroise Croizat, ministre du Travail dans le premier gouvernement de l’après-guerre, le père spirituel de la "sécu", ne soit pas mentionné au sein même de l’établissement, alors que celui du haut-fonctionnaire Pierre Laroque, un gaulliste sous les ordres de Croizat, donne son patronyme à un amphithéâtre. Malicieusement, le vieil homme subodore que cette oblitération dissimule un sentiment anti-communiste. L’économiste Bernard Friot va plus loin, qui parle de "révisionnisme" de la classe dirigeante. Le documentaire rappelle que l’homme politique eut pourtant des funérailles hugoliennes : un million de personnes suivit son cercueil !
Mais visiblement, le bonhomme dérange, jusqu’au ministre du Travail François Rebsamen qui, pressé d’écourter l’entretien, préfère évoquer la marque... du général de Gaulle.
C’est tout l’intérêt de ce documentaire que de réhabiliter un homme et une oeuvre, en rappelant combien les lois du marché et leurs appétits voraces constituent une menace pour notre système de protection sociale.
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