La sedia della felicità - La critique du film

Carlo Mazzacurati filme une dernière fois la Vénétie dans cette sympathique fantaisie souvent loufoque mais aussi doucement acerbe, touchante et gracieuse.

L’argument : Bruna est esthéticienne dans une zone commerciale de Venise mais sa petite entreprise peine à décoller et un fournisseur sans scrupules vient lui réclamer ses traites sans ménagements. Elle découvre aussi que son fiancé la trahit.
Assurant également des services à domicile, elle se rend en prison pour limer les ongles à Norma Pecche, mère d’un bandit célèbre, qui avant de mourir lui révèle qu’elle a caché un trésor dans une des douze chaises qui se trouvent dans le salon de sa villa palladienne.
Bruna se rend dans la villa abandonnée mais n’arrivant pas à forcer l’entrée et se retrouvant bloquée dans le parc face à un sanglier, elle appelle à la recousse Dino, le tatoueur qui occupe le magazin voisin du sien.
Découvrant que le mobilier de la villa a été sequestré et que les chaises ont été vendues aux enchères, Bruna et Dino partent à la recherches des acquéreurs. Mais le prêtre de la prison, le père Weiner, est aussi sur le coup.

Notre avis : Présenté dans le cadre du Festival de Turin en novembre 2013 et sorti dans les salles italiennes en avril de l’année suivante, La sedia della felicità est le dernier des douze long-métrages de fiction réalisés en un peu moins de trente ans par Carlo Mazzacurati (Notte italiana, L’estate di Davide, L’amore ritrovato, La giusta distanza), décédé à cinquante-sept ans le 22 janvier 2014 et qui a également réalisé de remarquables documentaires (Sei Venezia, 2010).
Le scénario du film est librement inspiré du roman satirique russe de Ilja Ilf et Jewgeni Petrow Douze chaises (1928), déjà souvent adapté au cinéma, entre autres par Michał Waszyński et Martin Frič (Dwanaście krzeseł / Dvanáct křesel, 1933), E. W. Emo (Dreizehn Stühle - 13 chaises, 1938, avec un formidable duo Heinz Rühmann - Hans Moser) ou encore Mel Brooks (1970).

La sedia della felicità - Mazzacurati 2013 - BiBi Film, Rai Cinema, Trentino Film Commission - 01 Distribution

Le registre choisi par le cinéaste padouan et ses co-scénaristes Doriana Leondeff et Marco Pettenell est celui de la fantaisie débridée, peu soucieuse de vraisemblance et lorgnant souvent vers la pure farce, notament avec le personnage du prêtre joué par Giuseppe Battiston, ou même l’univers du dessin animé, Mazzacurati ayant par exemple demandé à Isabella Ragonese de s’inspirer, pour interpréter le personnage de Bruna, des héroïnes de Miyazaki.
L’équipée burlesque des protagonistes partis à la poursuite de la chaise du bonheur s’apparente à une suite de sketches navigant entre les genres (jusqu’aux marges du fantastique dans l’épisode de la villa palladienne abandonnée) et permettant de faire défiler une foule de personnages secondaires pittoresques qui sont autant de sympathiques caricatures prétextes à de savoureux numéros d’acteurs parmis lesquels on reconnaître plusieurs guest stars comme Milena Vukotic en voyante extra-lucide ou Raul Cremona en mage Kasimir, mais aussi Katia Ricciarelli, Sivio Orlando, Fabrizio Bentivoglio, Roberto Citran et j’en passe.
Tout cela ne porte pas vraiment à conséquence bien que le trait se fasse souvent gentillement acerbe et que l’affection évidente avec laquelle Mazzacurati filme sa région, la Vénétie, ne l’empêche pas de jeter un regard lucide, dénué de complaisance mais aussi de cynisme, sur l’Italie d’aujourd’hui.
Il réussit surtout à rendre très touchant le duo formé par Valerio Mastrandrea et Isabella Ragonese qui savent être à la fois drôles et émouvants sans trop forcer ni sur l’humour ni sur le pathétique et à approcher plus d’une fois ce qui ressemble à un fragile état de grâce, concluant sur un mode léger son itinéraire de cinéaste modeste, sans doute inégal mais profondément attachant.

La sedia della felicità - Mazzacurati 2013 - BiBi Film, Rai Cinema, Trentino Film Commission - 01 Distribution