Accueillir la lumière
Le 29 novembre 2015
Une belle édition DVD, très attendue, du cinquième long métrage d’Eugène Green qui a crée la surprise au printemps en rencontrant dans les salles un public nombreux.
- Réalisateur : Eugène Green
- Acteurs : Eugène Green, Fabrizio Rongione, Arianna Nastro, Christelle Prot, Ludovico Succio
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Italien
- Editeur vidéo : Blaq Out
- Durée : 1h40mn
- Date de sortie : 25 mars 2015
- Plus d'informations : http://www.blaqout.com/film/la-sapienza
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– Sortie DVD : 6 octobre 2015
Green refuse la connivence immédiate pour mettre en place un rapport où la défiance initiale, l’acceptation des aspérités, voire des ridicules sont la condition même d’un cheminement vers la lumière.
L’argument : À 50 ans, Alexandre a derrière lui une brillante carrière d’architecte. En proie à des doutes sur le sens de son travail et sur son mariage, il part en Italie accompagné de sa femme, avec le projet d’écrire un texte qu’il médite depuis longtemps sur l’architecte baroque Francesco Borromini. En arrivant à Stresa, sur les rives du Lac Majeur, ils font la rencontre de jeunes frère et soeur, qui donneront un tout autre tour à cette échappée italienne.
Notre avis : Dans son cinquième long métrage, Eugène Green reste fidèle aux parti-pris stylistiques de ses films précédents.
Rien ne doit céder au faux naturel, rien ne doit aller de soi, tout doit résister.
Cette résistance est incarnée avant tout par Goffredo (Ludovico Succio), jeune homme sévère ne cherchant certainement pas à plaire à quiconque et surtout pas à ce grand architecte qui, commentant les évanouissements de la jeune Lavinia, se croit obligé de remarquer que la langueur (spossatezza) est une maladie anachronique et se fait répondre sur un ton sec que la malade n’en a pas été avertie.
Mais entre les deux hommes, obligés de voyager ensemble, va peu à peu s’établir une relation de l’ordre de la filiation, de la transmission réciproque.
De même, le film prend son spectateur à rebrousse-poil et refuse la connivence immédiate. Mais c’est pour mettre en place un rapport où la défiance initiale, l’acceptation des aspérités, voire des ridicules (la dimension comico-grotesque du film est part intégrante de sa démarche) sont la condition même d’un cheminement vers la lumière qui ne craint pas de prendre une allure ouvertement didactique et polémique.
L’architecture, cet art de créer des vides destinés à accueillir la lumière, le baroque mystique de Borromini (opposé à celui, rationnel, du Bernin) et la musique de Monteverdi, aérienne et rugueuse architecture sonore, sont clairement présentés ici comme des antidotes à la barbarie (...).
L’humour et le goût baroque du paradoxe sont de mise ici et donnent au didactisme assumé du film une tournure enjouée, gracieuse.
Il est question de disparition et de survivance, et surtout des fantômes auxquels il ne faut pas tourner le dos car ils ne font pas de mal mais ont besoin d’un architecte qui leur donne la paix.
Lire l’intégralité de La critique
- Eugène Green - LA SAPIENZA - 2014 - La Sarraz Pictures - Mact Productions - Bodega Films
Le DVD
- La Sapienza - blaq out
Une belle édition DVD, très attendue, du cinquième long métrage d’Eugène Green dont le succès public en salles a crée la surprise au printemps 2015.
Les suppléments
Deux compléments de programmes précieux :
– Un entretien de 24 minutes au cours duquel Eugène Green, interrogé par Philippe Piazzo, réaffirme ses choix stylistiques : importance du cadre et de la lumière, refus du naturalisme (ces liaisons qui agacent tant certains !) et de la psychologie dans le jeu des acteurs qui doivent dire leur texte, non comme s’ils étaient en train de l’inventer mais comme s’ils se parlaient à eux mêmes, en évitant la rhétorique de celui qui cherche à convaincre l’autre.
Invoquant sa trilogie personnelle de cinéastes qu’il admire (Bresson, Antonioni, Ozu) en y ajoutant le nom de Bruno Dumont, il expose sa conception du cinéma comme expérience spirituelle (le film crée son propre temps qui est un présent éternel, le spectateur créant son propre temps du film), il défend la notion de transmission (qu’il oppose à celle de l’éveil : c’est l’appétit de transmission du jeune qui réveille chez l’adulte le goût de transmettre), l’intelligence intuitive opposée à la raison, la joie janséniste (la tragédie est joyeuse et l’humour y a toujours sa place) à la facilité hollywoodienne du jésuitisme.
Quant aux succès public considérable rencontré par La sapienza dans les salles au printemps 2015 (près de 50 000 entrées), Green l’attribue au caractère plus explicite du discours ici que dans ses autres films.
– Les signes, avec Christelle Prot, Marin Charvet, Achille Trocellier, Mathieu Amalric, Maitetxu Etcheverria et Eugène Green.
Résumé : Dans un petit port de pêche une femme, encore jeune, vit avec ses deux fils, Daniel et Samuel. Dix ans plus tôt, quand la Mère était enceinte du cadet, son mari est parti un matin à l’aube, à l’aube, en principe sur un bateau de pêche, et n’est jamais revenu. Ce jour-là un bateau a effectivement disparu, mais comme on n’a jamais trouvé de trace de naufrage ni de corps, les trois membres de la famille gardent l’espoir que le disparu reviendra. Comme signe la Mère allume chaque nuit, devant la fenêtre, une bougie.
Notes : Invoquant Jacques-Bénigne Bossuet (Souvent ce que tu sais, tu ne le sais pas ; ce qui est en toi, est loin de toi ; tu n’as pas ce que tu possèdes.) ce très beau court métrage réalisé en 2006 et présenté hors compétition au Festival de Cannes, s’inscrit dans le cadre d’une collection (Les films plastiques) qui proposait à des cinéastes (Arnaud et Jean-Marie Larrieu, Laurence Ferreira Barbosa, Bertrand Bonello, Mathieu Amalric) de réaliser un film inspiré d’un artiste ou d’une oeuvre d’art contemporain de leur choix.
Green a choisi une photo d’un paysage mystérieux, presque fantomatique de Maitetxu Etcheverria pour dérouler en 30 minutes un jeu baroque à la simplicité paradoxale et à l’humour exquis ( - En mer ? - En principe ! ; - Les mouettes ne sont pas muettes ; - Ne fais pas de bêtises ! - Est-ce que j’en fais quand tu es là ?)
Image
Un report soigné rend assez bien justice à la photo lumineuse de Raphaël O’Byrne, chef opérateur attitré d’Eugène Green. Une édition blu-ray aurait sans doute permis d’obtenir une qualité de définition et un éclat des couleurs plus conforme encore à celles des copies diffusées en salle.
Son
Aucune réserve de ce côté là, les deux options (Dolby Digital 2.0 ou Dolby Digital 5.1) permettant d’apprécier pleinement le travail de Mirko Guerra (ingénieur du son) et de Sonia Portoghese (perchiste) : intelligibilité des dialogues, respect des timbres et de l’espace sonore, articulation parfaite des plages musicales (Monteverdi par le Concerto Italiano à plusieurs reprises, mais aussi, brièvement, et en guise de contrepoint, Wawe de Marc Mifune et Les Gordon).
Signalons enfin la présence d’options de sous-titrages français, anglais et français pour sourds et malentendants
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