Un sommet de l’art muet
Le 23 août 2013
Ce récit d’un mécanicien tourmenté est un monument du cinéma mondial, et un film emblématique des recherches artistiques et techniques d’Abel Gance.
- Réalisateur : Abel Gance
- Acteurs : Gabriel de Gravone, Pierre Magnier, Séverin-Mars, Ivy Close, Gil Clary
- Genre : Mélodrame, Film muet, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Editeur vidéo : Flicker Alley
- Durée : 4h22mn (version restaurée)
- Date de sortie : 17 février 1923
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Résumé : Le mécanicien chef Sisif recueille une petite orpheline à la suite d’une catastrophe de chemin de fer. Elle s’appelle Norma et est élevée avec Élie, le fils de Sisif, à peu près du même âge. Tout semble aller pour le mieux, mais peu à peu Sisif se sent pris d’une étrange passion pour sa fille adoptive. Son comportement change, il devient alcoolique, ombrageux, soupçonneux, violent. Le charme de Norma a séduit un ingénieur, Monsieur de Hersan ; Sisif commet l’imprudence de lui avouer la passion qui a grandi en lui. Hersan le menace d’un chantage s’il ne consent pas à lui donner Norma. Celle-ci se résigne, et Sisif, conduisant le train qui emmène la jeune femme vers son nouveau destin, souhaite mourir avec elle...
Critique : Abel Gance tourne La roue pour la firme Pathé quelques années après J’accuse (1919), plaidoyer contre la guerre. C’est un film monumental et, avec le célèbre Napoléon (1927), celui où il se livre le plus à des recherches esthétiques et techniques. Il existe aujourd’hui deux versions du film quant à sa durée. La première est l’originale restaurée de 4h22mn, que l’on trouve seulement en DVD aux États-Unis. La seconde de près de trois heures est la plus connue. La roue est d’abord un foisonnant mélodrame, décrivant une tragédie familiale avec une expressivité des sentiments qui sied à son époque. Séverin-Mars incarne avec force mimiques ce cheminot torturé, dont les bonnes intentions auront été trahies par de coupables pensées. Il ne manque ni la pure jeune fille, victime de la malveillance des hommes, ni son beau soupirant (Gabriel de Gravone), ni le traître sournois (Pierre Magnier). L’impact romanesque est renforcé quand on sait qu’Abel Gance était l’époux d’une jeune femme malade pendant le tournage, et qui devait décéder peu après, tout comme l’acteur principal. La passion de Sisif pour Norma (Ivy Close) prend alors une autre dimension. Au-delà des conventions du matériau initial, on sera frappé par l’audace implicite des attachements amoureux. Si Norma n’est ni la fille naturelle de Sisif ni la sœur biologique d’Elie, le père est attiré par son enfant adoptif et l’on comprend que le frère aimait déjà Norma avant la révélation sur les origines de la jeune fille... Ces tourments incestueux donnent un supplément de folie à des personnages dont l’existence n’est déjà pas de tout repos. Sur le plan technique, La roue est novateur à plus d’un titre.
Ainsi, un quart de siècle après L’arrivée d’un train en gare de la Ciotat et quinze ans avant La bête humaine, Gance filme des trains en marche avec des cadrages inédits. Sa vision réaliste de la vie des cheminots n’est pas due à un tournage en studio. L’équipe du film a en effet occupé plusieurs mois une maison construite au milieu des rails de la gare Saint-Roch à Nice, des guetteurs prévenant de l’arrivée éventuelle de trains... Le col de Voza, à deux mille mètres d’altitude, a fourni le décor de la somptueuse deuxième partie. Le tournage en extérieur n’a donc pas été une innovation de la Nouvelle Vague, contrairement à ce que pourraient laisser penser les écrits de ceux pour lesquels le cinéma français, excepté les films de Renoir, ne commence qu’avec l’arrivée de Godard... La roue impressionne par une imagination constante et un recours judicieux aux possibilités du langage cinématographique d’alors. Gros plans, surimpressions ou caches sont au service d’un lyrisme visionnaire. Diversement accueilli en son temps, un Léon Moussinac lui reprochant son ambition et son emphase, mutilé pendant plusieurs années avant d’être restauré, La roue est aujourd’hui considéré comme une œuvre majeure qui a influencé des artistes aussi importants qu’Eisenstein ou Kurosawa.
– Extrait de La roue
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