Le 9 juillet 2024
Abel Gance signe un mélodrame élégant, sobre, mais très inégal.
- Réalisateur : Abel Gance
- Acteurs : Micheline Presle, Jane Marken, Robert Le Vigan, André Alerme, Marcel Delaître, Gérard Landry, Elvire Popesco, Fernand Gravey
- Genre : Drame, Romance, Film de guerre, Mélodrame, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Pathé Distribution
- Editeur vidéo : ESC Éditions
- Durée : 1h43mn
- Date télé : 24 février 2024 00:46
- Chaîne : France 3
- Date de sortie : 13 décembre 1940
L'a vu
Veut le voir
Résumé : En 1913, Pierre épouse Janine puis part à la guerre alors qu’elle est enceinte. Il apprend au front qu’elle est morte en donnant le jour à une fille. Il rentre, désespéré, ne veut pas voir sa fille et cherche en vain son paradis perdu. Mais le jour où il accepte de reconnaître son enfant, il retrouve une raison de vivre.
Critique : Si on a en tête l’image d’Abel Gance démiurge messianique, celui de Napoléon et des projets démesurés, Paradis perdu ne peut que surprendre, tant il s’apparente davantage aux mélodrames classiques. Mais Gance lui-même le considérait comme un travail alimentaire, en attendant de tourner son Christophe Colomb, qui ne verra jamais le jour. Une commande donc, mais soignée, qui eut un succès considérable à sa sortie, en 1940, parce qu’ elle trouvait un écho dans la situation des Français. Truffaut raconte dans les bonus l’émotion de la salle entière et les larmes du public, qui l’ont marqué à vie.
Le film est constitué de deux parties : la rencontre de Pierre et Jeanine, leur amour, leur mariage, la guerre et la mort en couches de la femme, forment la première. Le deuxième segment, presque autonome, se situe des années plus tard, et s’attache aux derniers jours de Pierre, qui vit avec sa fille incarnée comme Jeanine par Micheline Presle. C’est peu dire que ces deux parties sont inégales : Gance semble avoir mis tout son talent dans la première et filmer la seconde avec indifférence. Tout à coup plus rien n’est convaincant, ni Fernand Gravey en vieillard fatigué, ni Micheline Presle en jeune fille naïve, ni le dilemme amoureux, bien plat.
La rencontre des protagonistes est une merveille de légèreté et de finesse : Gance trouve un ton, badin et spirituel, qui renouvelle ce topos rebattu. Pour magnifier ces deux acteurs, il compose de superbes gros plans à la lumière travaillée. De même la séquence de la mobilisation, tout en incidence et retenue, possède une force peu commune. Ce qui ajoute au charme de cette partie, et qui était à l’époque une constante du cinéma français, c’est la qualité des seconds rôles : Alerme en couturier minable, Elvire Popesco en noble russe, Robert Le Vigan en amoureux transi, composent un arrière-fond coloré et savoureux. On s’amuse de leur cabotinage, mais le regard que pose Gance sur ce petit monde est pétri d’humanité, sensible et étonnamment doux. De même les dialogues de Steve Passeur fourmillent de petites notations ; ainsi, au moment de la déclaration de guerre, l’un des marins dit : « Fini la pêche, c’est la chasse maintenant. », phrase prémonitoire s’il en est.
La chanson qui donne son titre au film sert de leitmotiv en même temps qu’elle unit les deux parties. La séquence du rouleau enregistré, qu’un gramophone diffuse pendant que Pierre déambule, perdu de douleur, est à ce titre un grand moment à la fois d’émotion et de maîtrise technique.
La cassure que représente la deuxième partie est d’autant plus regrettable qu’on est encore envoûté quand elle commence. Peut-être l’explication est-elle biographique, comme le suggère Georges Mourier dans les bonus. Reste qu’on se désintéresse de la froide passion de Jeannette, du sacrifice de Pierre. Et la dernière séquence, qui devrait être un sommet d’émotion, ressemble à une caricature larmoyante.
Loin de l’emphase de certains de ces films, comme La Fin du Monde, loin des expérimentations de La Roue, Paradis perdu, malgré tout de même quelques coquetteries (un « plan kaléidoscope », des cadrages obliques), joue constamment la sobriété. C’est sans doute ce qui explique qu’il ait moins vieilli que bien d’autres œuvres de cette époque, et garde un charme tenace.
Les suppléments
Bertrand Tavernier présente le film au Festival de Lyon en 6 minutes 30, et c’est comme d’habitude un régal d’érudition. Puis Georges Mourier, spécialiste d’Abel Gance et chargé de l’expertise du montage, revient, en deux modules (Chef-d’œuvre par inadvertance, 22 minutes, et Paradis retrouvé : la restauration de Paradis perdu, 12 minutes) sur les conceptions du cinéaste, la part autobiographique, les coupes subies au fil des années. Précisons qu’on voit deux extraits d’une émission dans laquelle Abel Gance parle du film et ce qu’il en dit est savoureux. Enfin, bande-annonce à part, un court extrait sonore de François Truffaut (1mn30) explique la réception de Paradis perdu.
L’image
Le master 2K est un véritable bain de jouvence, tant le noir et blanc éclate de précision et de nuances.
Le son
La piste DTS-HD 2.0 a nettoyé le son avec efficacité (ni souffle ni parasite), mais il conserve quelque chose de légèrement éraillé.
– Sortie Blu-ray : 1er juillet 2015
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.