Naissance des pieuvres
Le 28 février 2010
La robe du soir ou l’entrée violente d’une enfant, à la recherche de sa féminité, dans l’adolescence.
- Réalisateur : Myriam Aziza
- Acteurs : Lio, Alba Gaia Bellugi, Léo Legrand, Sophie Mounicot
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Date de sortie : 24 février 2010
– Durée : 1h35mn
La robe du soir ou l’entrée violente d’une enfant, à la recherche de sa féminité, dans l’adolescence.
L’argument : Juliette, 12 ans, timide et mal dans sa peau, voue un véritable culte à son professeur de français, Madame Solenska. Belle quadragénaire souvent provocante, Madame Solenska aime séduire son jeune auditoire : sa classe est son théâtre et ses élèves, ses meilleurs spectateurs. Persuadée d’être son élève préférée, Juliette imagine une relation privilégiée avec cette femme. Mais un jour, en se rendant en cachette chez Madame Solenska, elle en voit sortir Antoine, un élève de sa classe particulièrement beau. Chaque geste, chaque regard de Madame Solenska vers l’adolescent, chaque parole échangée vient alimenter ses soupçons. L’imagination torturée de Juliette s’emballe : pour elle, Madame Solenska et Antoine sont liés par une secrète relation amoureuse...
Notre avis : La robe du soir évoque cet âge délicat qui signe le passage de l’enfance à l’adolescence. Juliette a douze ans, est en cinquième et fait plus jeune que son âge. La jeune fille développe une passion pour la littérature, non pas tant par amour du Verbe que par admiration pour son professeur de français, madame Solenska, aussi pédagogue que séduisante. Bien plus qu’une enseignante, cette femme représente un mentor, un guide, une aspiration pour l’héroïne de La robe du soir.
- © Zelig Films Distribution
« Passionné et capable seulement de saisir les choses d’une manière passionnée, dans l’élan fougueux de tous mes sens, je venais pour la première fois de me sentir conquis par un maître », ainsi évoque le narrateur de La confusion des sentiments de Stefan Zweig, sa première rencontre avec le professeur qui créera sa vocation intellectuelle. Cet homme, dans son récit, détaille la tentation et le pouvoir qu’exerçaient sur lui ce savant. L’enthousiasme de Juliette est quant à lui lié aux humeurs de son professeur. Au-delà d’un goût prononcé pour la littérature, cet intérêt pour cette femme fera découvrir à la jeune adolescente, sa féminité, son propre corps. Se deguise-t-elle en madame Solenska pour mieux l’atteindre et la comprendre ou pour mieux se comprendre elle-même ? Surement un peu des deux. Le mimétisme la pousse à adopter ses attitudes et ses habitudes de lecture. Mais ce genre de fascination n’est pas sans risque car la jeune adolescente offre sans retour son cœur et attend une considération permanente. « Sa fierté contenue, profondément cachée, se voyait reflétée dans ma joie », comme le dit le personnage principal de Zweig, un désir de satisfaction à l’encontre de la personne désirée et admirée se crée progressivement. Cependant, à l’entrée de l’adolescence, cet intérêt se transforme en obsession et ne supporte pas la trahison - ce qui poussera Juliette à atteindre son professeur en la diffamant.
- © Zelig Films Distribution
Sur scène, en 2001, Lio avait déclamé avec justesse des poèmes de Prévert, alliant son excentricité à la douceur de ses traits ; il était donc aisé - au-delà de ses interprétations remarquées chez Chantal Akerman ou Claude Lelouch - de l’imaginer, enflammée, dans une salle de classe, ventant les mérites de la littérature - à des jeunes de douze ans de surcroit. L’actrice incarne pleinement cette femme entière, sûre d’elle. Pas un seul instant, Myriam Aziza choisit de montrer son personnage comme coupable d’une quelconque exhortation sensuelle et sexuelle. Elle n’est pas responsable de l’accès de « folie » ou de « délire » de son élève. La démarche est appréciable car, sans développer un discours féministe, la cinéaste défend la liberté pédagogique pour le moins enthousiaste et convaincue de l’enseignante, à la limite de la provocation parfois (d’autant que l’enseignante semble souvent associer (confondre ?) Voltaire et éducation sexuelle).
- © Zelig Films Distribution
La première moitié de La robe du soir installe en douceur tous les éléments du drame, de nombreux personnages sont exposés (mais peu sont développés, à l’instar de la fratrie de l’héroïne), la fascination de Juliette - et celle du spectateur par la même occasion - s’amplifie. Le doute plane quant à l’orientation que le scénario va prendre. Les situations éloquentes se succèdent mais ne dépassent pas réellement la précision documentaire - Entre les murs n’est pas loin dans l’approche réaliste d’une classe de collège. La seconde partie sort le long-métrage de sa torpeur en se concentrant uniquement sur les tourments émotionnels de l’héroïne - interprétée par la plus que convaincante Alba Gaïa Bellugi (déjà vue dans Le temps qui reste de François Ozon). La robe du soir devient alors une œuvre sur la difficulté à s’accepter et à se comprendre à l’adolescence ; les adultes ne jouant finalement qu’un rôle secondaire - l’essentiel étant la prise de conscience de son individualité.
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’Boo’Radley 28 février 2010
La robe du soir - La critique
Cette semaine où le Bison futé des sorties cinéma voit rouge, entre Lio et la Reine des pommes, pourquoi ne pas choisir l’original ? Surtout que la présence de la chanteuse-actrice est ici supportable, même si elle se fait la tête de Ronit Elkabetz dans la scène d’ouverture (ce qui est à peu près aussi effrayant qu’une transformation en croque-mitaine). Cette histoire d’ado qui s’entiche de son professeur bénéficie d’une approche psychologique minutieuse sinon toujours crédible. Mais toute fraîcheur et justesse de ton mises à part, l’écriture cinématographique trahit l’inexpérience de son auteur et frôle l’inconsistance et le symbolisme primaire. Dans son premier rôle, la jeune Alga Gaia Bellugi importe tout.