Le 17 août 2018
Le premier roman d’Arthur Nesnidal est le récit au vitriol d’une année d’hypokhâgne. Mais s’il dénonce la tyrannie des cuistres, le texte adopte la langue des maîtres.


- Auteur : Arthur Nesnidal
- Editeur : Julliard
- Genre : Roman & fiction, Littérature blanche
- Date de sortie : 16 août 2018
- Plus d'informations : Le site officiel

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Résumé : " Vous, Mademoiselle, dites-nous ce que vous en pensez, vous qui avez raté votre devoir. " Aucune forteresse ne résiste à cela. Blême, frissonnante, l’expression fissurée par la déflagration, l’estomac enfoncé, l’espérance perdue, elle se faisait violence avec un héroïsme en tous points admirable pour ne pas fondre en larmes ou sombrer sous la table. Sans complaisance, un étudiant décrit le quotidien d’une année d’hypokhâgne, sacro-sainte filière.
Notre avis : L’élève Nesnidal, revenu d’hypokhâgne, après y être allé la fleur au fusil, en s’imaginant sans doute que les classes préparatoires n’étaient pas des lieux de compétition, signe un premier livre furibard, désigné comme un pamphlet par son auteur. On se méfie toujours quand ce mot-là surgit de la bouche d’un écrivain, pressentant que les pages suinteront l’indignation à chaque procédé littéraire et lesteront le texte d’une lourdeur démonstrative. Hélas, on ne se trompe pas. Dès les premières lignes, la grandiloquence s’invite pour narrer le destin de ces pauvres jeunes gens assignés à l’hyper-méritocratie, dans le cadre monacal d’un lycée antédiluvien : "c’était le peloton des horribles fantômes qu’on percevait à peine du tréfonds de la pièce au travers de ce vague nuage de craie".
Les éducateurs de ce sinistre lieu, très peu influencés par les méthodes actives, ne se départiront pas d’une jouissance à humilier les bons étudiants, afin d’en extraire la meilleure des mixtures, qui tentera de fermenter dans les tonneaux de Normal Sup’, par exemple. Quelques-uns, à qui l’écrivain refuse même toute forme d’identification personnelle ("Monsieur le Professeur", "Monsieur le Directeur"), sont rageusement vilipendés par des portraits qui leur dénient toute forme d’humanité. L’abondance des métaphores permet la configuration de descriptions monstrueuses, où le grotesque de l’ironie le dispute au sublime des références culturelles, puisqu’il est admis qu’à son corps défendant la prose de l’ardent travailleur exsude le savoir qu’on lui enseigne. Pour régler son compte à une enseignante, le récit n’en appellera pas moins qu’aux "Quatre Cavaliers de l’Apocalypse" ou aux "Burgondes", avant de décréter que sa langue, trop pendue, oscille entre "l’ample lasso" et le "vil jokari".
N’en jetez plus. Au contraire, gardez-en pour l’institution scolaire que ce livre prétend malmener, alors qu’il en parle l’idiome, rutilant, rhétorique à souhait, ruisselant de ces figures qu’un impétrant s’échine à repérer dans les classiques qu’on lui impose. Car si La Purge évoque avec force les humiliations subies par des étudiants pétrifiés, il laisse, par sa constante volonté d’épater le lecteur, comme un amer goût d’imposture.
Parution : 16-08-2018
Editions Julliard
160 pages, 13,2 x 1,6 x 20,7 cm