Femme perdue
Le 19 avril 2011
Un film méconnu et passionnant de Rossellini, commencé en 1943 et terminé après-guerre par Pagliero.
- Réalisateurs : Roberto Rossellini - Marcello Pagliero
- Acteurs : Massimo Girotti, Elli Parvo, Carlo Ninchi, Francesco Grandjacquet, Roswita Schmidt, Jucci Kellermann, Lia Corelli
- Genre : Mélodrame
- Nationalité : Italien
- Date de sortie : 28 février 1951
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– Durée : 1h19mn
– Tournage : juillet à septembre 1943 (Rossellini) puis 1945 (Pagliero)
– Sortie en Italie : 9 septembre 1946
Un film méconnu et passionnant de Rossellini, commencé en 1943 et terminé après-guerre par Pagliero.
L’argument : Paola, prostituée à Rome, est bouleversée par la vue d’une jeune femme qui s’est suicidée en se jetant du cinquième étage d’un immeuble. Elle rencontre un horticulteur dont elle tombe amoureuse mais à qui elle cache sa véritable profession.
Décidée à changer de vie elle retourne dans son village où il doit venir la rejoindre pour demander sa main. Mais son père refuse de lui parler, le mari de sa soeur lui fait des avances et l’homme qui l’a autrefois séduite la fait chanter...
Notre avis : Le quatrième long-métrage de Roberto Rossellini, après La nave bianca, Un pilota ritorna et L’uomo dalla croce eut une genèse des plus mouvementées. D’abord intitulé Scalo merci (gare de marchandise) il devait, au travers de l’histoire de Paola, décrire avec une précision documentaire le monde des cheminots du quartier romain de San Lorenzo.
Mais celui-ci fut détruit par les bombardements le 19 juillet 1943, peu après le début du tournage dans les studios de la Titanus à la Farnesina. Le scénario fut donc modifié et dans la nouvelle version l’héroïne, abandonnant son existence de prostituée à Rome (et non plus à Milan), retournait dans son village natal des Abruzzes, le monde paysan remplaçant celui des cheminots.
L’équipe se déplaça dans les Abruzzes après le huit septembre mais le tournage fut bientôt interrompu et les scènes manquantes ne furent tournées qu’en 1945 sous la direction de Marcello Pagliero.
Le film achevé ne se ressent pas trop de ces vicissitudes auxquelles s’ajoutèrent les problèmes avec la censure qui, après avoir déjà exigé quelques coupes en mai 1946, demanda, en août de la même année, la suppression du suicide final (afin d’amener le drame à une résolution sereine et chrétienne) ainsi que celle de nombreuses scènes jugées immorales, en particulier celle où le beau frère, Nando (Massimo Girotti), prend en main une culotte de Paola ou celle où il la surprend dans la salle de bain.
Ces scènes, coupées sur les copies d’exploitation mais pas sur le négatif, ont désormais réintégré le film (notamment dan l’excellente édition DVD italienne de RHV) . Elles contribuent à la forte charge érotique d’un ensemble dont l’atmosphère n’est pas très éloignée de celle d’ Ossessione, impression bien sûr renforcée par la présence d’un Massimo Girotti tout droit sorti du film de Visconti (qui avait fortement impressionné Rossellini et dont il a repris aussi un des scénaristes, Giuseppe de Santis).
La sensualité un peu lourde d’Elli Parvo (d’ailleurs parfaitement en situation) et les ressorts mélodramatiques de l’intrigue font porter sur Desiderio (intitulé dans un deuxième temps Rinuncio - Renoncement) l’ombre pesante d’un prédéterminisme naturaliste bien dans l’air du temps. Pourtant bien des scènes surprennent par leur liberté de ton très moderne, la révélation du réel prenant le pas sur la fonction dramatique. Le grand, l’immense Rossellini de Rome ville ouverte est déjà là tout entier dans les premiers plans baignant dans la lumière implacable du petit matin, lorsque Paola, quittant la voiture décapotable qui la ramène chez elle après une nuit de fête qu’on devine bien peu joyeuse, s’approche de l’attroupement qui s’est formé autour de la jeune femme suicidée.
Même si la suite sacrifie davantage aux conventions du drame celui-ci est comme mis à distance et ne prend pas le pas sur l’observation quasi documentaire de la vie paysanne, de l’activité d’une scierie ou d’une virée en motocyclette.
Le jeu des acteurs, aidés par des dialogues crus et dénués de toute emphase, évite l’excès de caractérisation et même le personnage classiquement antipathique du maître-chanteur, joué par Francesco Grandjacquet, échappe largement à la caricature, finissant même par être presque sympathique lorsque, dans la séquence finale, il dit à Giovanni (Carlo Ninchi), venu retrouver Paola, que la jeune femme qui s’est jetée du pont était una brava ragazza.
Ici encore l’aveuglante lumière du matin et l’absence d’effets dramatiques soulignés (Giovanni poursuit tranquillement sa route ne sachant pas que la morte est justement celle qu’il est venu rejoindre) donne une force peu commune à cette conclusion déchirante.
Passé plus ou moins inaperçu à sa sortie et généralement négligé même par les thuriféraires de Rossellini, ce film forcément imparfait mais passionnant porte indiscutablement la marque du cinéaste de Allemagne année zéro, Francesco, giulare di Dio, Europe 51 ou Voyage en Italie et sa redécouverte s’impose.
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