Rétro-futurisme expressionniste
Le 1er mai 2016
Mario Bava apporte son talent d’esthète et de maître des trucages à ce qui aurait dû être un navet de science-fiction. En résulte une œuvre étonnamment poétique qui aurait inspiré le Alien de Ridley Scott.
- Réalisateur : Mario Bava
- Acteurs : Barry Sullivan, Norma Bengell, Ángel Aranda
- Genre : Science-fiction
- Nationalité : Italien
- Editeur vidéo : Artus films
- Durée : 1h24mn
- Reprise: 6 juillet 2016
- Titre original : Terrore nello spazio
- Date de sortie : 15 septembre 1965
- Festival : Festival de Cannes 2016
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– Sortie DVD le 6 mai 2014
– Reprise HD - version 4K restaurée : le 6 juillet 2016
– Sélection Cannes Classics 2016
Résumé : En mission dans l’espace, les vaisseaux Argos et Galliot reçoivent des signaux de la planète Aura. Une force mystérieuse les oblige alors à y atterrir. Alors que certains membres de l’équipage sombrent dans la folie, d’autres sont retrouvés massacrés. Le capitaine Markary découvre que Aura est habitée par d’étranges entités extra-terrestres, prêts à tout pour fuir leur planète maudite…
Notre avis : Le nom de Mario Bava reste et restera associé à l’horreur gothique italienne, dont il s’est fait le maître absolu, du Masque du démon en 1960 jusqu’à Shock en 1977. Entre ce laps de temps, il a pu initier le genre du giallo avec Six femmes pour l’assassin (1964), le slasher avec La baie sanglante (1971) et produit des hybrides étranges comme Hercule contre les vampires (1961) ou cette Planète des vampires de 1965, qui bénéficie aujourd’hui d’une édition DVD chez Artus Films dans la collection SF Vintage. Et le terme de "vintage" est approprié, c’est certain. En effet, Alain Petit nous précise dans un des suppléments que le film a été réalisé pour la somme dérisoire de 20 000 dollars. Comment peut-on finaliser un long métrage avec un budget aussi restreint ? Bava nous en donne la réponse avec cette œuvre singulière, à mi-chemin entre le navet rétro et une esthétique expressionniste magnifiée par des éclairages soignés. Grâce à son inventivité et son talent pour les effets spéciaux, le cinéaste a en effet réussi à donner un cachet très particulier à son film qui est devenu depuis un vrai objet de culte. Certains disent même qu’il serait la meilleure œuvre de science-fiction produite en Italie ! Toutes proportions gardées, il faut dire que Mario Bava impressionne par sa capacité à créer des atmosphères envoûtantes avec quasiment rien. Une bonne dose de fumigène, deux rochers en plastique récupérés sur le tournage d’un péplum, quelques jeux de miroirs, des encres colorées dans un aquarium, de la peinture sur verre, de la lave faite à base de polenta, une ou deux maquettes miniatures et le tour est joué. Épaulé par son propre père et le fameux Carlo Rambaldi (Les frissons de l’angoisse, Possession, E.T., Dune, etc.), il parvient par l’éclairage, le montage et les couleurs à offrir une sensation esthétique proche de ses œuvres gothiques, mais encore plus irréelle et expressionniste. Les personnages sont souvent rendus minuscules dans des décors démesurés et certains plans retrouvent la poésie de certains films de l’époque du muet (peut-on remonter à Méliès ?). Cet aspect bricolé et ces ambiances chromatiques originales sont appuyés par une musique des plus adéquates qui est omniprésente, à base de manipulations électroniques, de bruits blancs, de mélopées de thérémine et de souffle permanent évoquant cette planète peuplée d’âmes de fantômes errant dans la brume.
Car en effet, le titre est des plus mensonger. Il n’est pas question de vampires ici, mais des esprits d’anciens habitants de la planète Aura, de véritables géants dont il ne reste que les dépouilles, qui prennent possession des corps des astronautes après les avoir poussés à s’entretuer. Donc nous avons à faire tout au plus à des zombies ou à des corps possédés par des aliens, plus dans la lignée de L’Invasion des profanateurs de sépultures. À la base de cette histoire, il y a une nouvelle de Renato Pestriniero écrite en 1960, Una notte di 21 ore, qui a ensuite été remaniée par plusieurs scénaristes afin de satisfaire à la fois la boîte de production italienne et American International Pictures. Au résultat, il reste des idées intéressantes mais qui sont au mieux abordées mais jamais vraiment traitées. En même temps, cet art du non-dit donne un charme particulier au film. De tas d’éléments restent en suspension. Les extraterrestres ne sont dévoilés qu’à travers leurs ossements, ce qui est plutôt bien vu. Le sentiment de paranoïa et d’une menace qui vient à la fois de l’extérieur et de l’intérieur du vaisseau est passionnant, et l’idée de l’engin spatial comme une immense cathédrale gothique où le Mal peut se loger et mener les astronautes à s’anéantir eux-mêmes se révèle fascinante et aurait influencé le film Alien (les plans introductifs valent la peine d’être mis en parallèle avec le début du chef-d’œuvre de Ridley Scott, notamment avec cette caméra qui glisse et virevolte le long du vaisseau comme dans une danse céleste, préfigurant la menace à venir). Encore une fois, on voit bien que ce sont les décors et la virtuosité de Bava qui l’emportent. Du coup, on aurait presque préféré que les personnages n’ouvrent pas la bouche. Car dès les premières logorrhées pseudo-scientifiques, on ne peut s’empêcher de sourire, d’autant plus que les acteurs, bloqués par des tenues de cuir fantaisistes mais inconfortables, sont comme figés, incapables d’exprimer la moindre émotion. Barry Sullivan, qui avait pourtant fait une longue carrière dans le western, est particulièrement insipide, celui-ci ayant été imposé par American International Pictures. Sa partenaire Norma Bengell n’est pas plus convaincante, mais sauvée par une plastique avantageuse soulignée au mieux par les combinaisons que Bava lui a fait enfiler. Dans les seconds rôles, on retiendra notamment Ivan Rassimov, la star des films de cannibales (Cannibalis au pays de l’exorcisme, Le dernier monde cannibale, La secte des cannibales), dans une de ses toutes premières apparitions à l’écran.
Ce space opera se révèle à la fois risible et fascinant, kitsch et poétique, naïf et touchant. Une scène de dialogues totalement plats va ainsi laisser place à une abstraction sublime dans les plans suivants où les protagonistes vont se retrouver dans un tunnel monumental en forme de vortex pour être suivie par une séquence désopilante où Barry Sullivan essaie d’ouvrir la porte d’un sas avec un diapason ! (cela ne fonctionne pas évidemment). La planète des vampires est donc une œuvre quasiment expérimentale, qui redouble d’inventivité à défaut de moyens, et qui doit être redécouverte pour montrer jusqu’où la magie du cinéma peut aller. Parmi les autres raisons pour lesquelles on peut vous conseiller ce film, on peut citer les vêtements des astronautes (version cheap et fantasque des tenues de Star Trek) et l’absolue irréalité et invraisemblance de cet univers extraterrestre (certains portent des pseudo scaphandres, d’autres n’en ont pas besoin, et la représentation de la planète Aura est juste totalement fantaisiste), on peut aussi citer quelques plans gore ou tout simplement bizarres (la cage thoracique sanguinolente d’un des possédés, les zombies-astronautes qui déchirent au ralenti les plastiques dans lesquels on les a enterrés...). On peut également ajouter qu’il s’agit du premier film sur lequel Lamberto Bava (Baiser macabre, La maison de la terreur, Blastfighter l’exécuteur, Démons) a été assistant de réalisation.
Le Test DVD
Les suppléments
Ce charmant digipack bénéficie de bonus DVD de tout premier ordre, notamment une explication des trucages du film par le professeur Pierpoljakos (oui, ils ont osé !) et une présentation très détaillée d’Alain Petit. Nous avons d’ailleurs tiré certaines des informations de cette chronique dans ces fascinants secrets de tournage. À cela s’ajoutent un diaporama de photos et d’affiches, ainsi que des bandes annonces de films de la collection "SF Vintage".
L’image
Pour un film rare et plus tout jeune, on ne peut nier que la qualité est très recommandable, voire exceptionnelle, dans un format 1.85 d’origine respecté, rendant un bel hommage aux couleurs rouges, oranges, vertes et bleues qui, de par leur contraste, se révèlent essentielles à l’atmosphère du film.
Le son
Nous avons accès ici à la version française et à la version italienne sous-titrée. Celles-ci sont correctes et n’entachent en rien la fascinante bande originale électronique qu’on pourrait qualifier d’expérimentale avec ses longues plages de bruits blancs, ses manipulations évoquant un vent oppressant et ses mélopées rétro-futuristes ne laissant jamais place au silence, dans un environnement fait de menaces sourdes et perpétuelles.
Galerie Photos
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