La fête de l’humanité
Le 23 février 2005
Tragédie et rédemption. Entre réalité et poésie, un conte d’une générosité rare, magnifiquement interprété.
- Réalisateur : Jean-Pierre Denis
- Acteurs : Olivier Gourmet, Marie-Josée Croze, Bertille Noël-Bruneau, Élisabeth Macocco, Francis Frappat
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Editeur vidéo : M6 Vidéo
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– Durée : 1h30mn
– D’après le roman de Pierre Péju
Tragédie et rédemption. Entre réalité et poésie, un conte d’une générosité rare, magnifiquement interprété.
L’argument : Etienne Vollard, un libraire passionné de montagne et doué d’une mémoire hors du commun, mène une existence plutôt solitaire jusqu’au jour où il renverse accidentellement Eva, une fillette de huit ans.
Entre Eva, au chevet de laquelle il se retrouve, et Pascale, la jeune mère incapable de faire face, Vollard, le "raconteur d’histoires", père et mère de substitution, va accomplir le miracle du prince charmant.
Notre avis : Difficile de déterminer ce qui contribue le plus à la réussite de cette Petite chartreuse. Son histoire ? Ses acteurs ? Son style ? Comme pour tous les films aboutis, il s’agit d’une conjonction de tous ces éléments, qui les rend, au final, indissociables. Prenons l’histoire, pour commencer. D’autres l’auraient noircie à l’envi ou ne se seraient pas privés de tirer sur la corde sensible. Le cinéaste rare qu’est Jean-Pierre Denis évite l’une et l’autre de ces postures. Il s’interdit tout pathos, adapte le magnifique roman - très sombre, sans issue - de Pierre Péju [1] en le faisant coïncider avec sa propre conception du monde. Plus ouverte. Non que le drame ne soit pas présent entre hôpital et maison de repos : une petite fille devenue muette dont les yeux transparents comme des vitres ne s’ouvrent que sur un monde intérieur indéchiffrable ; une mère inadaptée à son rôle, qui fuit parce qu’elle ne sait comment se comporter face au malheur ; un homme blessé par la vie, fou de culpabilité, dont l’idée fixe est de réparer son acte aussi involontaire qu’inévitable.
Pas un mot de trop, pas une scène qui s’éternise. Le style de Jean-Pierre Denis, épuré, va directement à l’humain dans ce qu’il a de plus authentique. Les gros plans s’attardent sur les visages, saisissent le frémissement du non-dit qui plombe la vie. Partition difficile qu’interprètent les comédiens avec maestria. Marie-Josée Croze prouve qu’elle est une actrice d’exception, capable de faire passer sur son visage, à la même seconde, des sentiments totalement contradictoires. Quant à Olivier Gourmet, il trouve ici un de ses plus beaux rôles. A la fois empêtré dans son corps massif et capable de gestes d’une extrême délicatesse, il est cet homme meurtri qui transpire la tendresse par tous les pores.
Croisement de solitudes, regards qui cherchent en l’autre la réponse au questionnement fondamental, corps qui se frôlent ou qui s’empoignent. Le réalisme des situations est transcendé par la poésie du traitement cinématographique. Avec sa petite princesse au cerveau endormi, sa mère désocialisée, son prince charmant balourd et désespéré, ce film a des allures de conte. Un conte situé dans une montagne magique (personnage du film à part entière) qui ose dire que, tant qu’on a la vie devant soi, il y a toujours un espoir. Que les circonstances, même cruelles, peuvent donner un sens à l’existence. Que ce qui pèse le plus - sa mémoire infaillible pour le libraire Vollard - peut devenir un atout sans égal -c’est en disant les livres qu’il connaît par cœur qu’il essaie de ramener la petite Eva à la vie. Que le plus important, c’est de se forger sa propre liberté - celle qu’on acquiert par le don de soi. Vision aussi sensible qu’humaniste, générosité rare dans le cinéma d’aujourd’hui, et qui laisse le spectateur ému et reconnaissant de tant finesse, tant de retenue, tant de force et tant de foi en l’être humain.
[1] La petite chartreuse, édité par Gallimard, a reçu le prix du Livre Inter en 2003. Lire notre critique
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