Au nom du père
Le 30 août 2005
Un premier roman en parfait équilibre au-dessus de tous les gouffres et qui fait la part belle au silence, à l’errance. Un livre offrande écrit au nom du père.
- Auteur : Eric Paradisi
- Editeur : Gallimard
- Genre : Roman & fiction, Littérature blanche
- Nationalité : France
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Un premier roman en parfait équilibre au-dessus de tous les gouffres et qui fait la part belle au silence, à l’errance. Un livre offrande écrit au nom du père.
Un père vit ses dernières heures. Son fils l’accompagne en dérivant de peau en peau, de femme en femme à la recherche d’une hypothétique plage où la mort et le silence ne menaceraient plus de le noyer.
Eric Paradisi, qui signe ici un premier roman très maîtrisé, peut-être parce qu’il en a longtemps eu peur, sait écrire les silences. Il les installe avec une délicatesse quasi amoureuse pour mieux nous faire entendre les bruits du monde. Il en possède tout une palette de ces silences : il y a ceux qui sont vides, froids, de familiers abîmes au bord desquels vacille le lecteur. Ce sont par exemple les silences des non-dits, des malentendus, de la fuite. Ils sont vides parce qu’ils sont l’expression d’une incapacité à vivre. Ils sont un linceul sur les émotions et les sentiments. Il y a les pleins, les riches, ceux qu’on partage en faisant l’amour, quand la peau prend miraculeusement le relais des mots sans pour autant les tuer. C’est simplement qu’elle les contient. Il y a les courts silences, furtifs et malicieux ou dévastateurs au contraire, tranchants comme le fil du rasoir. Et les plus longs, ceux de toute une vie et qu’on n’a pas su rompre. Ces silences-là sont nos regrets.
Dans La peau des autres, le silence le plus poignant, porteur de tous les autres, c’est celui qui relie le narrateur à son père, atteint d’un cancer. Car le silence entre eux est bien un lien. Mieux : une définition. "Je ne lui ai jamais dit que c’est dans son silence à lui que j’ai trouvé mes mots à moi", écrit Paradisi. C’est donc que l’apparente faille aura été féconde. Le père fut maître des peaux, y inscrivit ses amours, ses enthousiasmes, ses erreurs aussi. Le fils s’invente maître des mots. Pour dire son père. Pour dire à son père avant qu’il soit trop tard...
A l’instar de son narrateur, qui trouve dans le commerce des bonsaïs un moyen de calmer le temps, de jeter un pont entre ce qui fut et ce qui sera encore alors que lui ne sera déjà plus là, l’auteur cisèle des petites phrases enracinées très loin dans les douleurs d’enfance, des phrases saisissantes et taillées pour durer. Parce que la vie passe, celle de ceux qu’on aime, la nôtre aussi, et que rien, pas même la multiplication des voyages à fleur de peaux, ne changera jamais cette réalité que nos corps découvrent en même temps que le plaisir, avec sa fin qui est une répétition de toutes les fins jusqu’à la nôtre. C’est sans doute pour cela que La peau des autres se termine dans un souffle, suspendu. Pour laisser à la vie, au moins là, le dernier mot.
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