Le 12 décembre 2022
Film méconnu d’Andrzej Munk, La passagère est un film important sur la représentation des camps de concentration à l’écran. Et ce malgré son statut d’œuvre inachevée, du fait de la mort du cinéaste pendant le tournage.
- Réalisateur : Andrzej Munk
- Acteurs : Jan Kreczmar, Aleksandra Slaska, Anna Ciepielewska, Marek Walczewski
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Polonais
- Distributeur : Malavida Films
- Durée : 0h59mn
- Reprise: 25 janvier 2023
- Titre original : Pasażerka
- Date de sortie : 28 octobre 1964
- Festival : Festival de Cannes 1964, Festival de Venise 1964
L'a vu
Veut le voir
– Année de production : 1961-63
Résumé : Liza subit un choc, quand, lors d’une croisière en compagnie de son mari, elle croit reconnaître parmi les passagers une jeune femme, Marta, ex-détenue du camp d’Auschwitz où elle était surveillante SS. Liza, dont le mari ignore cette partie de sa vie, se souvient de son passé terrifiant. Ce sont d’abord des fragments en vrac qu’elle arrange afin de construire un récit à l’intention de son mari, et dans le but de se justifier ; mais peu à peu la véritable histoire se reconstitue.
Critique : Réalisateur polonais injustement oublié, Andrzej Munk fut pourtant un nom important du cinéma de l’Est des années 1950, à l’instar de son compatriote Jerzy Kawalerowicz. Formé à l’école de Łódź, il a signé des documentaires puis des longs métrages de fiction comme Un homme sur la voie et Eroica. Le scénario de La passagère est adapté d’une pièce autobiographique de Zofia Posmysz, rescapée des camps. Munk, qui dut se cacher en tant que juif pendant la guerre, se montra très impliqué dans le projet. Le cinéaste trouva la mort dans un accident de voiture pendant le tournage, en 1961. Aussi, ce sont ses amis, dont le réalisateur Witold Lesiewicz, qui tenteront de monter le film, ajoutant une série de photos pour la partie contemporaine du récit, et une voix off, heureusement pas systématique. Tel quel, le métrage fut présenté en 1964 aux Festivals de Cannes et de Venise. La passagère est donc l’un de ces grands films inachevés de l’histoire du cinéma, au même titre que Partie de campagne ou L’enfer. Et l’on peut penser que si Munk n’avait pas disparu prématurément, il aurait pu atteindre la notoriété de Wajda ou Polanski. Pourtant, réussir un film dont l’action se déroule à Auschwitz n’était pas gagné d’avance.
- © Malavida
On sait que Rivette s’était acharné sur Kapò (Pontecorvo, 1961) pour un malheureux travelling. Claude Lanzmann, réalisateur du monumental documentaire fleuve Shoah (1985), décrètera que toute fiction filmant les camps de la mort était a priori condamnable, tant la réalité historique dépasse en horreur tout ce qu’une reconstitution envisagerait. Il faudra attendre la sortie du prodigieux Fils de Saül (Nemes, 2015) pour que l’opinion critique admette la relativité des propos de Lanzmann, qui cependant n’a pas tout à fait tort lorsqu’on découvre le surévalué La vie est belle (Begnini, 1998) ou le calamiteux Simone, le voyage du siècle (Dahan, 2022). Ce qui frappe, dans La passagère, c’est le contraste entre les séquences se déroulant dans les années 50 (une croisière insouciante) et celles, en flash-back, ayant pour cadre le camp de concentration, axées sur le tragique et l’horreur. Et ce pas seulement en raison du décalage créé par le montage effectué après la mort du réalisateur. Mais ce contraste reste relatif, le drame devenant central lorsque Liza croit reconnaître Martha parmi les passagers. La construction narrative devient alors audacieuse, avec la succession de deux flash-back. Le premier traduit la confession de Liza à son époux américain, à qui elle présente une version édulcorée de ses rapports avec la prisonnière. Le deuxième, plus long, montre la nature du véritable lien entre les deux femmes, Liza ayant exercé un ascendant cruel sur Martha, en dépit de son désir de la protéger. Un désir qui suggère d’ailleurs des sentiments bien plus ambigus.
- © Malavida
La passagère est également remarquable par sa description sans concessions (mais occultant le voyeurisme) du système concentrationnaire, qui culmine avec une hallucinante scène où les sous-officières doivent sélectionner les captives vouées à la mort, dans un rituel nocturne aux allures presque chorégraphiques… Une démarche trop esthétique dirait Lanzmann, mais ô combien cinématographique. On l’aura compris : La passagère pourra susciter des réserves artistiques et morales (contrairement à l’elliptique Fils de Saul). Le métrage n’en demeure pas moins essentiel et novateur dans son approche du traitement filmique de l’Holocauste et de la « banalité du mal ». La passagère ressort en janvier 2023 à l’occasion soixante-dix-huit-huitième anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau. Malavida, qui en assure la distribution, propose aux exploitants, en complément de programme, un documentaire polonais de 46mn : Dernières images relate la vie et l’œuvre d’Andrzej Munk par ses contemporains, et le tournage de La passagère, brutalement interrompu par la mort du cinéaste.
– Sortie en version restaurée : 25 janvier 2023
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.