Vague à l’âme
Le 13 avril 2021
Didier Da Silva aborde ici la mort de manière totalement originale : le personnage, un fantôme, raconte simplement son expérience post-mortem, ce qu’il voit des autres, ce à quoi il aspire désormais. Un livre court, paradoxalement souriant et paisible, dont il faut souligner l’écriture poétique et imagée.


- Auteur : Didier Da Silva
- Editeur : Marest Editeur
- Genre : Roman
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 8 avril 2021
- Plus d'informations : Site de l’éditeur

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Résumé : Quand Masao meurt, il se retrouve alors à côté de son corps, devenu fantôme observateur des conséquences de sa mort. Curieux, amusé et sans nostalgie, il contemple les conséquences de la nouvelle sur ses proches, apprivoise sa nouvelle consistance et se remémore quelques souvenirs. Son esprit est désormais serein.
Critique : Lorsqu’on évoque une histoire de fantômes, on pense soit aux maisons hantées, soit à son rapport avec les vivants. Mais dans ce livre, c’est bien le personnage principal, Masao, qui nous livre ses réflexions, ses découvertes, son harmonie avec sa nouvelle existence, à Tokyo. Le thème du suicide, véritable fléau au Japon, est rarement abordé du côté du choix, sans autre explication que le fait accompli. Pourtant, Masao s’est suicidé et ce n’est pas le sujet. L’auteur veut nous parler de son plaisir à virevolter dans la nature qui l’entoure, de prendre corps dans une pierre pour mieux dormir, de fondre dans les particules d’eau pour d’autres sensations. Ce dont il est question, c’est de l’instant, de l’immédiateté des situations sans avenir, sans interférence, sans interaction.
Masao est spectateur des suites de sa mort, de la découverte de son corps par son meilleur ami et son voisin, du comportement de sa petite amie endeuillée, du chagrin terrible de ses parents et même de ses propres funérailles. Il est curieux de sa nouvelle condition, de rencontrer d’autres fantômes, de savoir jusqu’où il peut se déplacer, quelles nouvelles sensations s’offrent à lui. Il accepte sa condition sans inquiétude ou amertume, simplement en se laissant porter par les envies et les questions qui se posent à lui. A-t-il atteint la sérénité tant espérée ? La question ne se pose pas, mais s’impose à lui : rien n’importe, si ce n’est de se plier au temps qui s’écoule. Ce temps, il n’en est plus prisonnier. Cependant, il sait que cela ne durera pas, sans se douter de ce qui va lui arriver. Il est conscient que cette nouvelle condition n’est qu’éphémère, comme le fut son existence.
L’écriture est fine, surprenante et imagée, sans doute pour mieux transporter le lecteur aux côtés de Masao, comme un lien entre le surnaturel et notre monde. Il ne s’agit plus de fiction, mais bien de réflexion sur la condition humaine. A l’image du protagoniste, le lecteur est dans le rapport immédiat avec son récit, sans obtenir les réponses aux questions qui surgissent, sans pouvoir découvrir au-delà de ce que le fantôme Masao peut voir. A la fois impuissant et privilégié, le lecteur accepte de laisser ses a priori, ses certitudes et ses interrogations, pour se laisser porter dans cette expérience extraordinaire, comme un pur instant de poésie.
Malgré son apparente légèreté, La mort de Masao engage à une réflexion métaphorique sur les cataclysmes du suicide pour ceux qui restent, sur les affres de la société japonaise et même sur ses manquements, et surtout sur l’incroyable aveuglement qu’entraîne le sentiment de solitude. Rien de cela n’est écrit, mais toutes ces idées se distillent par petites touches tout au long du récit, jusqu’au climax final.
Ce livre court et percutant se veut onirique, joyeux et insouciant, comme l’approche d’un deuil auquel on ne reste pas totalement étranger.
144 pages
17€