Le 12 avril 2025


- Scénariste : Kevan Stevens>
- Dessinateur : Jef
- Coloriste : Jef
- Genre : Science-Fiction, Anticipation
- Editeur : Soleil
- Famille : BD Franco-belge
- Date de sortie : 15 janvier 2025
- Durée : T.1
Un polar noir de science-fiction/anticipation qui assume sa violence futuriste.
Résumé : Safir est la ville d’un grand magnat de Megalopolyon, où la pollution et les drogues ont fait des ravages, enlevant les plus pauvres de la surface et laissant les plus riches dans des dérives, notamment celle d’un privé qui se focalise sur un souvenir musical...
Critique : La dystopie a, depuis Blade Runner, accepté les codes d’une pollution installée dans les zones urbaines, aussi indissociable que les gratte-ciels et aussi influente qu’immobile, décor normal sans être questionné. La Mécanique va plus loin, dans une enquête qui mêle les origines de cette pollution et le rapport à la drogue – qui ferait penser aux plus belles heures de l’Incal – ainsi que l’autoritarisme des oligarques, qui fait malheureusement écho à notre époque contemporaine. Autant de thèmes qui se croisent, entre mémoire qui flanche, argent qui corrompt et société qui déraille, pour aboutir à un entrelac qui sonne le déjà vu mais en même temps parvient à se glisser dans un interstice, une dose d’érotisme venant d’ailleurs animer ce qui pouvait s’apparenter à un polar néo-futuriste plutôt violent. La laideur crasse des personnages est un bon indicateur de cette ambiance, où même les plus riches ne parviennent pas à être beaux, ou même le héros n’apparaît pas comme celui que l’on pense destiné à de belles choses. Il y a dans son cheminement quelque chose qui le perd dès le début, et qui pousse à voir en lui un protagoniste secondaire de ce qui se trame à une échelle plus large, et l’on est surpris lorsqu’on découvre qu’il pourrait être relié à tout, que chaque fil se tisse pour se rejoindre à travers lui, preuve que le scénario sait ménager les attentes et ne pas servir un récit déjà étrenné, déjà visionné, déjà lu.
© Soleil / Jef
Pour le dessin, Kevan Stevens fait preuve de toutes ses qualités : corps entre domination et souffrance, visages rayés par la vie, quelques accessoires pour asseoir leur crédibilité, les personnages y sont mis en valeur comme d’habitude, et si les décors de ce tome 1 servent avant tout à mettre dans une ambiance de désespoir, d’avenir mort né et d’humanité aliénée, ils n’en sont pas moins remplis de petits détails qui rendent l’ensemble crédible. On n’est pas loin de ce que Denis Villeneuve propose avec ses Harkonnens dans les nouvelles adaptations de Dune, ces lumières noires et blanches qui font peser sur les personnages des halos sinistres, où les policiers suintent la corruption et ou les dirigeants ne font que la glorifier. Les efforts sont là, pour à la fois s’extraire de cette tradition mais aussi la respecter, faisant de La Mécanique, dans l’idée et dans son prologue, un l’Incal modernisé.
© Soleil / Jef
Polar SF plus traditionnel que spontané, plein d’une violence acerbe et de fils entrelacés, La Mécanique ne fait cependant que dévoiler son potentiel avec ce tome 1 plein de promesses, pour les amoureux d’une ambiance mêlant Philip K. Dick et Herbert.
84 pages – 17,50 €