La jeune fille à la perle est avant tout un tableau d’un des peintres les plus mystérieux. Vermeer est de ces génies dont on ignore l’essentiel de la vie : aucun écrit n’a été laissé sur ses maîtres, ses modèles, sa technique... Peinte vers 1665 et surnommée la "Joconde du Nord", cette toile ne fait pas exception à la règle et on ne sait rien de celle qui posa pour le maître hollandais. Nourrie de cette interrogation, Tracy Chevalier profite du mystère pour imaginer la vie de cette jeune fille.

Le modèle se prénomme Griet. Fille de seize ans d’un faïencier ruiné, elle est engagée comme servante dans la famille du peintre, troublant l’ordre établi de la maison. Rare personne à être admise dans l’atelier sacré du maître, Griet approche le génie de près. Fasciné par sa beauté, la perception aiguë qu’elle a de son art, Vermeer en fait son assistante avant de la choisir comme modèle pour une de ses toiles.

Il n’est nullement question de reconstitution historique ici et le roman de Tracy Chevalier ne tente pas non plus d’expliquer la puissance créatrice ou comment l’inspiration vient au peintre. Page après page, sa plume simple et délicieuse se met au service d’une relation complexe, basée sur le non-dit et dont l’atmosphère est si magistralement restituée qu’elle en devient picturale. Les effleurements, les rues de Delft, le bruit du marché... sont explorés par l’auteur d’une manière subtile, qui fait se côtoyer une écriture intimiste et un jeu de lumières et de couleurs foisonnant, transfigurant ainsi l’expérience littéraire.