Le manège des vanités
Le 21 mai 2013
L’Italien Paolo Sorrentino présente une vision critique et inquiétante de son pays avec La grande belleza, film sublime mais déséquilibré.
- Réalisateur : Paolo Sorrentino
- Acteurs : Vernon Dobtcheff, Giorgio Pasotti, Isabella Ferrari, Carlo Verdone, Toni Servillo, Luca Marinelli, Sabrina Ferilli, Galatea Ranzi, Carlo Buccirosso, Roberto Herlitzka, Aldo Ralli, Franco Graziosi
- Genre : Comédie, Drame, Comédie dramatique
- Distributeur : Pathé Distribution
- Durée : 2h22mn
- Date de sortie : 22 mai 2013
- Festival : Festival de Cannes 2013
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Résumé : Rome dans la splendeur de l’été. Les touristes se pressent sur le Janicule : un Japonais s’effondre foudroyé par tant de beauté. Jep Gambardella – un bel homme au charme irrésistible malgré les premiers signes de la vieillesse – jouit des mondanités de la ville. Il est de toutes les soirées et de toutes les fêtes, son esprit fait merveille et sa compagnie recherchée. Journaliste à succès, séducteur impénitent, il a écrit dans sa jeunesse un roman qui lui a valu un prix littéraire et une réputation d’écrivain frustré : il cache son désarroi derrière une attitude cynique et désabusée qui l’amène à poser sur le monde un regard d’une amère lucidité. Sur la terrasse de son appartement romain qui domine le Colisée, il donne des fêtes où se met à nu "l’appareil humain" – c’est le titre de son roman – et se joue la comédie du néant. Revenu de tout, Jep rêve parfois de se remettre à écrire, traversé par les souvenirs d’un amour de jeunesse auquel il se raccroche, mais y parviendra-t-il ? Surmontera-t-il son profond dégoût de lui-même et des autres dans une ville dont l’aveuglante beauté a quelque chose de paralysant…
Critique : Filmé avec une élégance difficilement contestable, La grande belleza passe sans prévenir du sublime au grossier, du sérieux à l’absurde et dégage une impression de grâce tant les éléments de sa composition sont magnifiés par une photographie éclatante. La caméra flotte au-dessus de ses sujets, capture leur médiocrité et anémie intellectuelle, rampe sur les parquets brillants et flirte avec les courbes d’une image colorée, sublime, profonde. Pas de doute : La grande belleza est une déclaration d’amour à Rome, la vraie, et pas à ce qu’elle est en train de devenir : un monde hypocrite, constitué de figures vides et pathétiques. Sa beauté est si grande qu’elle en devient étouffante.
Malgré son incroyable sens du spectacle – les scènes de nuit sont géniales –, le film manque de retenue, parfois de finesse, et se perd dans un propos vague où religieux, quête du passé, et réflexion sur la vieillesse se brassent au sein de scènes désordonnées, longues, désuètes. L’extrême contemplation du figé – œuvres artistiques, bâtiments, jardins –, qui constitue un hommage vibrant à la magnifique Rome, pose pour la première fois chez Sorrentino le problème d’un rythme cassé, symptomatique d’un film qui ne sait pas toujours où aller, à l’image de son personnage principal. Surtout, son incapacité à réellement captiver, faute d’enjeu, rend son propos assez vain – la première partie du film décrit déjà ce que la seconde cherche à explorer. Bien sûr, l’humour est ravageur, les répliques déjà cultes. Toni Servillo, acteur fétiche du cinéaste, est excellent. Les musiques, quant à elles, sont extraordinaires et agrémentent le film d’une subtile touche de poésie.
À la sortie de la salle, il reste plein de scènes folles en mémoire. On pense à cette girafe immobilisée dans un jardin, à ce cardinal se balançant comme un gosse sur une balançoire, à cette petite fille jetant, sous le regard passionné d’adultes, des pots de peinture sur une toile immense en criant et pleurant. Il y a aussi une nonne qui se fait botoxer. Cette Italie-là est malade, et mêle à sa beauté la vulgarité d’un monde laid, fourbe, insidieux, dont on ne sait où il va nous plonger. Calqué sur le monde qu’il décrit avec absurdité et ironie, La grande belleza est un film des extrêmes qui aurait mérité d’être un peu plus ordonné.
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