Le 5 août 2017
Ce faux film de gangster vaut par son scénario puissant et la « naissance » de la légende Bogart.
- Réalisateur : Archie Mayo
- Acteurs : Humphrey Bogart, Bette Davis, Leslie Howard, Dick Foran, Genevieve Tobin
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Warner Bros. France
- Durée : 1h23mn
- Titre original : The Petrified Forest
- Date de sortie : 2 mai 1936
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Résumé : Alan Quier, un intellectuel, se lie d’amitié avec Gabrielle, une serveuse rencontrée dans une station-service. Celle-ci rêve d’aller en France. Mais s’interpose entre eux le gangster Duke Mantee décidé à franchir la frontière mexicaine...
Notre avis : La forêt pétrifiée, visible adaptation d’une pièce de théâtre, est surtout connu pour avoir, par son succès, lancé la carrière de Bogart, qui végétait jusqu’alors. De fait, il donne au bandit Mantee une aura singulière, et rend bien pâle Leslie Howard, la vedette, auquel il faut avouer que les dialogues surchargés ne facilitent pas la tâche. Si bien que la première partie, dont Bogart est absent, se traîne un peu, même si les personnages (la jeune Gabby, fille du propriétaire de la station-service, lieu quasi unique, son grand-père pittoresque mais pas loin du cliché, et l’employé bas de plafond) ne sont pas sans intérêt. C’est que la pièce comme le film ont fait de ce microcosme une manière de constat sur la société américaine après la crise de 29 : un client parle au début des faillites et de la condition du prolétariat, puis tour à tour chacun exprime sa profonde frustration ; le constat, en effet, est bien noir : de l’intellectuel désabusé au propriétaire qui se rêve soldat, en passant par le grand-père embué dans des souvenirs apocryphes, tous sont dans une situation d’attente, d’ennui existentiel ou de regrets. Même Mantee apparaît comme en bout de course, presque toujours assis, plus loser que flamboyant. Il n’est pas jusqu’à la condition des Noirs qui ne soit évoquée dans un dialogue savoureux entre le soumis et le rebelle, également perdants. En ce sens, le titre évoque bien la fossilisation d’un pays, qui n’a plus pour gloire que des contes anciens (Billy the Kid, Mark Twain), subsistant à l’état de traces dans la logorrhée du grand-père.
Le scénario empile les vies ratées, qu’elles soient risibles (voir le costume de milicien du père) ou pathétiques, à l’image du monologue de madame Chisholm sur le sacrifice de ses idéaux ; l’intrusion des bandits sert de révélateur à cette accumulation d’espérances mortes et, plus qu’un ressort policier, elle devient le prétexte à un grand déballage : classiquement, c’est dans et par le danger qu’on peut trouver un sens à sa vie. Mais ce qui est vrai pour Alan, l’auteur raté qui veut donner sa chance à Gabby, ne l’est pas pour les autres : eux semblent destinés à rester confinés dans leur médiocrité.
Film sociologique, psychologique, voire politique, La forêt pétrifiée décevra le spectateur d’action ou de polar ; les fusillades sont rarissimes, concentrées dans les dernières minutes, et rendues confuses par la nuit. On s’en doute, l’intérêt est ailleurs, dans une réflexion par moments un peu trop lyrique sur les États-Unis des années 30, dans lesquels un vieux monde « pétrifié » doit mourir pour laisser place à une vigueur nouvelle, capable de revivifier l’espoir. Ce n’est déjà pas rien, même si la mise en scène de Mayo ne dépasse pas le fonctionnel ; et puis, curiosité ultime, la déclamation de François Villon ajoute au charme certain de ce quasi huis-clos intrigant.
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