Suicide Club
Le 20 avril 2016
Gus Van Sant s’enlise dans une histoire mièvre pleine de bons sentiments. Une réalisation bancale qui n’avait pas sa place en Compétition Officielle.
- Réalisateur : Gus Van Sant
- Acteurs : Naomi Watts, Matthew McConaughey, Ken Watanabe
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain
- Durée : 01h50mn
- Titre original : The Sea Of Trees
- Date de sortie : 27 avril 2016
- Festival : Festival de Cannes 2015
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Année de production : 2015
Gus Van Sant s’enlise dans une histoire mièvre pleine de bons sentiments. Une réalisation bancale qui n’avait pas sa place en Compétition Officielle.
L’argument : Alors qu’il semble décidé à mettre fin à ses jours dans la forêt d’Aokigahara, au pied du Mont Fuji, Arthur Brennan se remémore les moments les plus marquants de sa vie de couple : sa rencontre avec sa femme Joan, leur amour, mais aussi l’usure de leur couple et leur éloignement progressif. Paradoxalement, une épreuve dramatique va leur ouvrir les yeux, renforcer leurs sentiments et les réunir à nouveau.
Alors qu’il revit ses souvenirs de couple, Arthur réalise comme cette passion a marqué sa vie...
Notre avis : Qu’elle semble loin l’époque où Gus Van Sant produisait Larry Clark, ces moments où son cinéma s’autorisait encore l’expérimentation et l’invention. Dans La forêt des songes, Arthur Brennan décolle en aller-simple pour le Japon. La finalité de son voyage : le suicide, quelque part au beau milieu d’une forêt luxuriante jouxtant le célèbre mont Fuji. Un endroit découvert en tapant sur Google "le meilleur endroit pour mourir". Avec son enveloppe craft énigmatique et sa boîte de médicament spéciale overdose, Arthur se fait déposer par un taxi à la lisière du fameux bois. Admirablement filmé et éclairé, la forêt semble à première vue enchanteresse. Sauf qu’en y regardant de plus près, l’on remarque que les badauds présents ici ou là ont passé l’arme à gauche façon Dormeur du Val. Bref, pas le genre d’endroit pour faire un pique-nique. Qu’à cela ne tienne, Arthur s’avance sans lever un sourcil, s’assied sur un joli rocher puis commence à avaler ses pilules, bien décidé à en finir. Problème : un bonhomme bigrement esquinté prénommé Takumi interrompt les festivités. Après s’être tranché les veines, celui-ci a visiblement changé d’avis, et décidé de vivre. C’est pourquoi il recherche maintenant désespérément le chemin de la sortie. Manque de bol, Arthur a également perdu le sens de l’orientation. Ce qui ne l’empêche pas d’éprouver de la pitié pour cet homme ensanglanté. Les deux compères poursuivent alors leur route bras-dessus, bras-dessous. S’ensuit une sorte de parcours initiatique ponctué par des flash-backs larmoyants permettant de comprendre comment Arthur en est arrivé là.
Sur le papier, cette forêt morbide nichée à l’ombre du mont Fuji filmée par Gus Van Sant s’annonçait prometteuse, qui plus est avec Matthew McConaughey, Naomi Watts et Ken Watanabe au casting. Durant les premières dizaines de minutes du film, avec le bénéfice du doute, cette dernière peut s’avérer un joli symbole pour dépeindre un espace mental. L’ennui est que ce terrain de jeu, mis à part quelques beaux plans anecdotiques, est bien trop statique, malgré les retours en arrière évoquant les difficultés conjugales d’Arthur. Lorsque Takumi commence à parler du bois comme d’un purgatoire habité par des esprits, l’on se dit que Van Sant a un peu trop regardé Lost. Le scénario est certes dans l’ensemble bien construit, mais emprunte tant de poncifs que toute la dernière partie peut se prédire trois bons quarts d’heure avant le final. Toutes les métaphores utilisées sont balourdes, et les ressorts scénaristiques grossiers. Tant et si bien que l’on se demande comment le réalisateur d’Elephant a pu tomber aussi bas.
Même si le cinéma de Gus Van Sant a toujours hésité entre mises en scène très grand public mais sophistiquées (Will Hunting, A la rencontre de Forrester) et logiques d’auteur plus hermétiques (My own private Idaho, Gerry, Last Days), jamais jusqu’à présent celui-ci ne s’était avéré aussi déterminé à plaire à tout le monde. Étonnant d’ailleurs que La forêt des songes soit présent en compétition officielle. La déception est telle que l’on peine désormais voir Van Sant se tourner vers autre chose que des mièvreries, lui qui par le passé n’hésitait pas à filmer les va et vient des adolescents comme un ballet cosmique. Lui qui projetait les petits détails de la vie sur un plan métaphysique. Si le mysticisme et la cosmologie ne sont pas complètement absents dans La forêt des songes, ces thèmes sont noyés dans un verbiage inutile entravant tout développement éventuel. Un dispositif dont la morale n’inviterait finalement qu’à prêter davantage d’attention aux subtilités de la personnalité de son compagnon ou sa compagne, par exemple en retenant sa couleur préférée. Ou encore à apprécier davantage la vie grâce à autrui. Plus bateau, tu meurs. Dommage, car les plans de la forêt d’Aokigahara sont par moment fantastiques, et prouvent qu’un autre Gus Van Sant est peut-être encore possible.
Article publié initialement à l’issue de la projection cannoise. SND proposera un montage différent dans les salles françaises à partir du 27 avril 2016.
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