Décor à corps
Le 10 mai 2005
La vie de personnages qui, alors qu’ils ont tout pour être exceptionnels, sont bien souvent rattrapés par les démons du cœur.
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Avec ce recueil de nouvelles, William Boyd nous emmène dans la vie de personnages qui, alors qu’ils ont tout pour être exceptionnels, sont bien souvent rattrapés par les démons du cœur.
Quand un romancier se lance dans la nouvelle, on peut supposer qu’il s’agit pour lui d’une respiration, d’une façon de donner la vie à des personnages pour aussitôt la reprendre, de la mise en scène de situations qui ne sont pas faites pour durer. William Boyd est un romancier extrêmement calculateur, qui aime offrir à ses personnages des destinées toujours exceptionnelles. Ici, il ne déroge pas à la règle. Avec ce recueil de textes courts, il choisit de mettre en situation des hommes et des femmes qui sentent leurs vies leur échapper, frappés par la grâce, l’amour ou la folie.
Même si l’ensemble est inégal (on a parfois l’impression que Boyd est en plein dans l’expérimentation), ressort de cet ouvrage une atmosphère sur laquelle planent toujours ce petit grain de folie passager qui fait basculer le cœur, ce sentier balisé duquel on s’éloigne, ce coup du sort capable de changer une vie. Croiser une femme qui promène son chien sur la plage avant d’en tomber amoureux, revenir dans la demeure d’une ex pour être accueilli en sauveur par toute la famille (le très intelligent Incandescence), vivre un dilemne insoluble entre corps et esprit quand on est sportif de haut niveau, se désespérer d’avoir mené une existence marquée par les échecs professionnels et familiaux, Boyd s’amuse de toutes ces parcelles de vie comme un gamin moqueur.
Car la force de Boyd est bien celle-là. Parvenir à pointer du doigt l’instant où les certitudes s’écroulent, où celui qui s’imagine exceptionnel dégringole dans la fosse du commun des mortels, où les vieux intellectuels chutent dans les filets de la banalité des sentiments. C’est la manière qu’a choisi l’écrivain britannique pour évoquer la faiblesse de la passion et l’élasticité du cœur. Comme s’il lançait un clin d’œil discret à son lecteur en lui expliquant que chacun possède des rêves de grandeur dont il ressort déçu et que tout le monde obéit aux mêmes lois, quoi qu’on laisse paraître. Un recueil qui a tout d’une porte séparant deux pièces, dont l’ironie fait grincer les gonds.
William Boyd, La femme sur la plage avec un chien (Fascination, traduit de l’anglais par Christiane Besse), Ed. du Seuil, 2005, 196 pages, 18 €
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