Autopsie d’un imposteur - Vincent Zabus, Thomas Campi - la chronique BD

Avec son ambiance balzacienne – plutôt Splendeurs et misères des courtisanes que les Illusions perdues –, son antihéros réaliste, sa prostituée au grand cœur, ses riches et hautes sphères à la fois inaccessibles et répugnantes, tout laissait penser qu’Autopsie d’un imposteur baignait dans la référence aux grands auteurs. Pourtant, certains éléments apportent des touches originales : un narrateur omniprésent qui n’hésite pas à parler à son héros (et celui-ci sait lui répondre, comme une sorte de Deadpool en plus poli), des masques qui font tâche d’huile, se répandent dans les rêves et les âmes, un proxénète poète, amateur de Shakespeare jusqu’au dernier souffle... Dans cette comédie humaine où le tragi-comique s’élance, se détend, s’impose comme un recours face à l’absurdité d’un monde inique.

© Delcourt / Campi

Le dessin de Thomas Campi s’assure que l’atmosphère soit complète, à l’aide de couleurs jouant sur le souffre, le carmin, le jaune, évoquant ainsi implicitement un arrangement à la Faust ou à la Peau de chagrin qui n’est pourtant pas là. Les visages d’anges se transforment, se déchirent parfois, et même sous les masques d’animaux le venin semble couler, les yeux se faner et les joues se creuser. C’est une puissance contenue qui se répand tranquillement, comme si le narrateur tenait à ménager son pinceau.

© Delcourt / Campi

Excellent roman d’apprentissage, éducation plus brutale que sentimentale, Autopsie d’un imposteur est une bande dessinée qui pourrait paraître déjà faite, une imposture, mais son autopsie montre un talent certain.