Retour à S. Thala
Le 29 novembre 2014
En superposant deux films, celui du Trouville automnal et celui des Indes coloniales, Marguerite Duras dépasse l’expérimentation avant-gardiste pour retrouver l’évidence d’un cinéma de la première fois.
- Réalisateur : Marguerite Duras
- Acteurs : Gérard Depardieu, Françoise Lebrun, Dyonis Mascolo, Catherine Sellers, Nicole Hiss, Christian Baltauss, Robert Bonneau
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Durée : 1h23mn (DVD)
- Date de sortie : 12 avril 1974
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– Dates de tournage : 14 au 26 novembre 1972 à Trouville-sur-Mer (Calvados)
– Diffusé à la télévision Française le 5 janvier 1974
– Date de parution en DVD : Octobre 2014
En superposant deux films, celui du Trouville automnal et celui des Indes coloniales, Marguerite Duras dépasse l’expérimentation avant-gardiste pour retrouver l’évidence d’un cinéma de la première fois.
L’argument : un homme retrouve la femme qu’il a aimée, aujourd’hui décédée, en retournant sur le lieu qu’il avait partagé avec elle jadis. il organise sa vie autour de ce fantôme d’amour.
« La Femme du gange, c’est en quelque sorte deux films : parallèlement au film qui se déroule en images, se déroule un film purement vocal non accompagné d’images... Les deux voix off de femmes n’appartiennent aucunement aux personnages qui apparaissent dans l’image. on peut ajouter que les personnages qui sont vus sur l’image ignorent totalement l’existence des deux femmes dont l’histoire se manifeste uniquement par le dialogue qu’elles entretiennent. » marguerite duras, préambule au film La Femme du gange.
Programme de la Rétrospective Duras à Beaubourg
Notre avis : Dans son cinquième film en tant que réalisatrice Marguerite Duras franchit le pas décisif qu’elle repoussait encore dans ses films précédents et semble vraiment reprendre, comme elle le disait elle-même, le cinéma à zéro.
Ce qui, dans La musica (co-réalisé par Paul Seban), Détruire dit-elle, Jaune le soleil et Nathalie Granger, pouvait encore s’apparenter à l’expérimentation avant-gardiste devient ici simplicité radicale, évidence.
Ce retour aux sources passe d’abord par le refus de la grammaire bavarde du cinéma de consommation courante et de tout ce qui est de l’ordre du liant, de la sauce.
- Duras 1972 - La femme du Gange
Il n’y a donc ici ni mouvements de caméra ni recadrages, ni champ-contrechamps ni raccords invisible, pas de fond musical soulignant les affects ou les articulations du drame, pas de psychologie ; seulement des plans fixes, généralement longs (une scène, un plan), des longs silences pleins des bruits de la mer, quelques airs fredonnés ou joués au piano pendant la prise.
Les acteurs ne jouent pas, ne cherchent pas à incarner des personnages, sauf Caterine Sellers dans son bref autre rôle, celui de l’épouse du voyageur venue théâtralement lui demander des comptes et qu’on ne peut confondre avec la femme de la plage qui pourtant lui ressemble étrangement.
Une autre actrice, Nicole Hiss, est doublement présente, mais d’une autre manière, corps et voix dissociés.
- Duras 1972 - La femme du Gange
On la voit à l’écran, muette, dans le groupe des marcheurs de la plage, mais c’est elle aussi qui dialogue avec Françoise Lebrun dans l’autre film, celui qui n’existe que par la bande son et qui, venant directement du roman Le Vice-Consul (1966), fait surgir comme en surimpression sur Trouville hors saison et sa mer hivernable des Indes coloniales qui ne sont pas moins réelles, l’ici de l’image semblant parfois faire écho à l’ailleurs du récit en off bien que les deux univers restent irrémédiablement distincts.
Le succès d’India Song viendra un peu occulter cette Femme du Gange dont il n’est pourtant que le prolongement. Mais c’est en novembre 1972, dans l’arrière saison d’une station balnéaire du Calvados, que Duras a tourné peut-être son film le plus fort, un de ces films du lendemain qu’elle évoque dans l’entretien filmé avec Michèle Porte : ils peuvent susciter une certaine perplexité au moment où on les voit mais ils reviennent après coup hanter la mémoire du spectateur.
Le test DVD
- Duras - la femme du Gange - DVD
Ce film majeur de Marguerite Duras était inédit en DVD. Ina éditions comble cette lacune.
Les suppléments
Les 13 minutes extraites de l’émission de Michelle Porte Les Lieux de Marguerite Duras (1976) constituent un complément précieux pour aborder La femme du Gange.
Marguerite Duras y parle longuement de la mer omniprésente dans le film, révélant qu’elle ne s’est rendue compte que bien après coup que S. Thala (la ville où se passe l’histoire indienne) était un anagramme de Thalassa.
Elle y parle aussi du cinéma comme d’un au-delà de l’écriture (Tout est écrit), un moyen de remonter dans l’avant des livres.
Elle évoque enfin la figure du fou (Gérard Depardieu) , personnage poreux, traversé par l’histoire.
Image
La copie est belle, rendant justice à la photo de Bruno Nuytten qui capte admirablement l’atmosphère maritime et hivernale, et le report a été effectué avec soin.
Son
Les silences, les timbres des voix, les bruits de la mer, la musique de Carlos d’Alessio, fredonnée ou jouée au piano : tout est parfaitement mis en espace et rendu lisible par une bande son d’une belle netteté. Signalons que l’ingénieur du son sur ce film était Alain Muslin.
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