Des journées entières dans les arbres - la critique du film + le test DVD

Duras filme sa propre pièce avec un trio d’acteurs exceptionnels. Desespéré et irrésistiblement drôle.

L’argument : Une femme âgée, devenue riche sur le tard grâce à l’usine qu’elle dirige dans « un pays qui n’est plus tout à fait, tout à fait une colonie » revient en France rendre visite à son fils qu’elle n’a pas vu depuis dix ans. Ce fils, qui passait « des journées entières dans les arbres », n’a guère le goût du travail. Il perd au jeu le peu d’argent qu’il gagne. La vieille femme aimerait arracher son fils préféré de cette vie qu’elle juge sans espoir, et le ramener avec elle.

Notre avis : C’est à la demande de Jean-Louis Barrault que Marguerite Duras avait adapté pour la scène sa nouvelle Des journées entières dans les arbres, publiée en 1954. La pièce, crée le 1er décembre 1965 dans une mise en scène de Barrault et publiée l’année suivante chez Gallimard, offrait un rôle en or à Madeleine Renaud, celui d’un personnage de mère-crapule (dans le texte), excessive, monstrueuse même, follement attachée à son fils préféré, sa mauvaise action , l’enfant qu’elle n’a jamais fini, et que, débarquant des ex-colonies littéralement couverte d’or (volé), elle retrouve aigri, désabusé, menant une existence de bâton de chaise ; mais peut-être était-ce ainsi qu’elle le voulait (C’est comme ça que vous le préférez : misérable et seul lui lance, moins idiote qu’elle n’en a l’air, la compagne compagne du moment de son fils).
La pièce fut reprise au Théâtre d’Orsay à partir du 14 octobre 1975, toujours avec Madeleine Renaud, entourée cette fois de Bulle Ogier (Marcelle) et de Jean-Pierre Aumont (le fils) qui remplaçaient remplaçaient Jean Desailly et Anne Doat. C’est cette reprise que Marguerite Duras décida de filmer pour la télévision en 1976.
Tournant dans un vaste appartement au murs blancs, un peu défraîchi, dans un bar de nuit, dans la rue le temps d’une scène, elle a cherché a atténuer légèrement le théâtralité du jeu des acteurs sans la gommer tout à fait, en conservant l’efficacité comique, voire burlesque qui confère à l’ensemble un ton de vaudevile désemparé, toujours guetté par le vertige d’une tristesse sans fond.
Renaud sort le grand jeu, qu’elle se jette voracement sur un plat de choucroute ou que, totalement ivre, elle fasse un esclandre dans l’ambiance feutrée de la boite de nuit, mais ce grand exercice d’histrionisme est subtilement dosé et laisse toujours entrevoir le désaroi (joyeux) d’une femme forte et pourtant prête à tout lâcher.
Bulle Ogier compose un irrésistible personnage de fausse gourde et Aumont, plus en retrait, une figure de vieil enfant très émouvante.
Un petit Duras qui ne vous lâche plus.

Une édition DVD soignée pour un film qu’on attendait depuis longtemps sur ce support.

Des journées entières dans les arbres - DVD INA

Les suppléments


Dans une émission télévisée de la série Pour le cinéma, réalisée par Pierre Mignot et diffusée 15 nov. 1976, Marguerite Duras, filmée pendant le tournage, parle notamment de la nécessité d’introduire le silence dans ce qui est au départ une pièce de théâtre. Des extraits du film ponctuent les propos de la cinéaste.

Image


Pas de la haute définition évidemment mais un transfert de qualité et une copie qui restitue bien l’éclat des couleurs de la photo signée Néstor Almendros.

Son


Une piste mono propre qui permet une parfaite intelligibilité du texte mais restitue aussi idéalement les grains de voix, les ambiances sonores et les accords entêtants de Carlos d’Alessio.

Coffret Duras INA