The other Queen
Le 12 décembre 2022
Portée par des actrices impressionnantes de justesse, La Favorite est une fresque aussi belle qu’extravagante, qui finit malheureusement par s’essouffler.
- Réalisateur : Yórgos Lánthimos
- Acteurs : Rachel Weisz, Emma Stone, Nicholas Hoult, Olivia Colman, Joe Alwyn
- Genre : Drame, Historique, Drame historique
- Nationalité : Américain, Britannique, Irlandais
- Distributeur : Twentieth Century Fox France
- Durée : 2h00mn
- Date télé : 12 décembre 2022 21:10
- Chaîne : France 3
- Box-office : 29.400.041$ (au 7 février 2019 - recettes USA)
- Titre original : The Favourite
- Date de sortie : 6 février 2019
- Festival : Festival la Roche-sur-Yon 2018
Résumé : Début du XVIIIe siècle. L’Angleterre et la France sont en guerre. Toutefois, à la cour, la mode est aux courses de canards et à la dégustation d’ananas. La reine Anne, à la santé fragile et au caractère instable, occupe le trône tandis que son amie Lady Sarah gouverne le pays à sa place. Lorsqu’une nouvelle servante, Abigail Hill, arrive à la cour, Lady Sarah la prend sous son aile, pensant qu’elle pourrait être une alliée. Abigail va y voir l’opportunité de renouer avec ses racines aristocratiques. Alors que les enjeux politiques de la guerre absorbent Sarah, Abigail quant à elle parvient à gagner la confiance de la reine et devient sa nouvelle confidente. Cette amitié naissante donne à la jeune femme l’occasion de satisfaire ses ambitions, et elle ne laissera ni homme, ni femme, ni politique, ni même un lapin se mettre en travers de son chemin.
Critique : Dans un contexte historique de vie de château royal, Yórgos Lánthimos (Canine, The Lobster) s’amuse à détourner constamment les codes du film en costume, en y amenant une touche à la fois moderne et décalée, propre à son œuvre alambiquée. Le symbole de cette prouesse est bien évidement le trio féminin au cœur de l’intrigue royale, exquis de ridicule, de beauté et de cruauté, en proie à une joute du pouvoir, que le cinéaste grec prend plaisir à filmer, n’hésitant pas à l’enlaidir, par contre-plongées et ralentis, au cœur d’un décor formidable, où la photographie est paradoxalement très soignée.
- © 2018 Fox Searchlight Twentieth Century Fox Film Corporation. Tous droits réservés.
Pour servir sa démarche, il a choisi un grand casting. Chaque actrice réussit à entrer dans l’univers incroyablement glaçant et cynique, voire parodique du réalisateur. Olivia Colman est troublante en reine Anne dépressive et tyrannique. Emma Stone (Abigail) est incroyable de fourberie, oscillant sans cesse entre l’image d’une douce agnelle, et celle d’une vipère venimeuse. Enfin, Rachel Weisz (Lady Sarah) est resplendissante d’intelligence et de froideur en meneuse politique.
Force est de constater que Yórgos Lánthimos est un excellent directeur d’acteurs. Sa mise en scène étoffe le jeu des comédiennes et les relations décousues de leurs personnages : le grand angle les emprisonne, les surimpressions les étouffent et la lumière à la bougie, parfois proche du caravagisme, appuie leur moindre mouvement.
- Crédit : Atsushi Nishijima
Amour, manipulation, et crise de colère, toute l’ambivalence des relations humaines est présentée à travers ces portraits de femmes, portant la culotte et le film lui-même, puisque toute l’intrigue part d’elles. On citera, dès les premiers plans, le temps d’un échange vif entre la reine et sa gouvernante, tout la relation de domination qui s’affirme entre les personnages. Après un discours, la reine Anne demande à Lady Sarah (Rachel Weisz) de dire bonjour à ses enfants, dix-sept lapins. Un acte que Sarah refusera de faire, en dépit de l’amour qu’elle lui porte et de son statut social inférieur.
Si, dans ce château et ce pays, les femmes sont minoritaires, le pouvoir leur appartient. Lady Sarah mène d’ailleurs d’une main de « maîtresse » les rênes du pays, là où la Couronne paraît complètement incompétente. Dans un monde d’hommes, ces trois femmes sont celles qui tuent (tir aux pigeons), baisent, agissent. Ce sont toutes trois des survivantes. La reine, cruellement tenace malgré ses maladies, a vu mourir toute sa descendance. Sarah survit à un empoisonnement et une défiguration, sans broncher. Abigail a vécu des années de viols, après avoir été vendue par son père. Ces trois-là plient mais se relèvent toujours, peut-être trop.
- © 2018 Fox Searchlight Twentieth Century Fox Film Corporation. Tous droits réservés.
En effet, en répétant les mêmes actions, ce trio n’évolue guère. Le film se contente seulement de déployer les facettes que les protagonistes avaient déjà en elles. La construction narrative en cinq chapitres est hasardeuse et alimente un certain manque de clarté chez des personnages, pour qui notre empathie est limitée. Le récit de la reine et de ses dix-sept « enfants » morts arrive bien trop brutalement et de manière fort trop explicite pour que le spectateur y soit vraiment sensible.
Enlisé dans une mise en scène tarabiscotée, à la fois tragique et comique, au détriment de sa narration, le long métrage finit donc par rester en surface dans l’introspection de ses personnages. Dès que de l’émotion se crée, elle est dynamitée par une mise en scène trop chargée. Ce qui fonctionne au début, lasse sur la fin, comme si, à force de s’acharner à vouloir dénoncer les vanités humaines, Yórgos Lánthimos se faisait avoir à son propre jeu.
En somme, La Favorite surprend par ses ambitions, séduit vraisemblablement, mais ne restera pas l’œuvre que l’on préférera chez ce cinéaste de l’absurde et de l’étrange que l’on a connu plus tranchant.
- © 2018 Fox Searchlight Twentieth Century Fox Film Corporation. Tous droits réservés.
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ceciloule 26 février 2019
La favorite - Yórgos Lánthimos - critique
Un jeu époustouflant, il est vrai, mais la lenteur et les répétitions lassent quelque peu vers la fin. La musique aussi, très présente, rythmant le film et la performance des acteurs, finit par devenir pesante. Malgré tout il s’agit d’un grand film, plein de cynisme, à la fois féministe et misogyne (mon avis ici : https://pamolico.wordpress.com/2019/02/26/deux-femmes-une-reine-la-favorite-yorgos-lanthimos/)