Le 28 février 2018
Le premier long métrage de Patrice Chéreau est une fascinante perle noire, adaptation distanciée et baroque du polar de James Hadley Chase.
- Réalisateur : Patrice Chéreau
- Acteurs : Charlotte Rampling, Alida Valli, Bruno Cremer, Edwige Feuillère, Roland Bertin, Simone Signoret, Hugues Quester, Ève Francis, Jenny Clève, Hans Christian Blech, François Simon
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Français, Allemand, Italien
- Distributeur : Tamasa Distribution , Fox Lira
- Durée : 1h55mnn
- Date télé : 10 août 2022 20:55
- Chaîne : Arte
- Reprise: 2 mai 2018
- Box-office : 552.107 entrées France
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 1er février 1975
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Lorsque Claire hérite d’une immense fortune, Madame Bastien-Wegener, sa tante, la fait interner dans un hôpital psychiatrique afin de récupérer ses biens. Claire réussit à s’évader et rencontre Louis Delage, un éleveur de chevaux, dont elle s’éprend. Mais tous deux sont bientôt poursuivis par des tueurs.
Critique : En 1974, Patrice Chéreau est l’un des jeunes metteurs en scène de théâtre et d’opéra les plus créatifs en Europe. Pour ses premiers pas au cinéma, il a bénéficié d’un casting de luxe et d’une équipe artistique et technique prestigieuse dont le chef opérateur Pierre Lhomme et le décorateur Richard Peduzzi, qui avait collaboré avec lui à la scène. Coproduction française, allemande et italienne, La chair de l’orchidée est l’adaptation d’un roman policier de James Hadley Chase (suite de Pas d’orchidée pour Miss Blandish). Dès sa première scène, le film suscite une fascination vertigineuse, lorsque la jeune captive (Charlotte Rampling) agresse sauvagement (hors-champ) le gardien qui tentait d’abuser d’elle, et s’enfuit d’un domaine mystérieux. Cette séquence est également emblématique de la démarche du cinéaste, qui expérimente les ressources du septième art tout en y intégrant son esthétique théâtrale, mixte de distanciation brechtienne (qui sera aussi celle de Persécution, son dernier film) et de baroque hyper-expressif. La première tendance se traduit par la lenteur des travellings, le masque impassible de la belle Claire y compris pendant tous ses tourments, ou l’étirement des plans d’ailleurs compatible avec un certain suspense policier (l’assaut des frères Berekian dans la villa).
Le second aspect s’apprécie plutôt dans les effusions de sang (qui annoncent La reine Margot) ou la bouffonnerie de certains personnages (le cousin allumé). L’empreinte théâtrale, distanciée ou expressive, est donc manifeste, et d’autres séquences l’attestent, de l’utilisation de l’orage en effet sonore au déplacement chorégraphique des gardes du corps de Mme Bastien-Wegener (Edwige Feuillère). On peut d’ailleurs estimer que Chéreau en tournant son premier long métrage a voulu assumer son étiquette scénique et clamer son amour du spectacle vivant : les souvenirs de cirque de l’ancienne écuyère Lady Vamos (Simone Signoret), projetant à Claire les images de son passé, constituent à cet égard une digression émouvante qui contraste avec la splendide mais évidente froideur du film. Mais Chéreau greffe ces influences à une volonté de s’approprier le matériau cinématographique, dont un montage dynamique, qui alterne plans fixes et ellipses (l’étonnant dénouement dans un hôpital). Et l’on est rétrospectivement surpris de voir des effets gore du giallo (les yeux crevés d’Hugues Quester) s’immiscer dans ce cinéma d’auteur éloigné des standards des produits culturels consensuels.
Soulignons aussi que Chéreau est un merveilleux directeur d’acteurs. Outre son trio de divas (Rampling, Feuillère, Signoret), on appréciera les compositions de François Simon et Hans Christian Blech en tueurs à gages effrayants, et les courtes apparitions d’Alida Valli en « folle de la gare » ou d’Ève Francis, rescapée du cinéma muet de Louis Delluc, qui joue ici la mère de Bruno Cremer. Accueilli froidement par les critiques à sa sortie, boudé par le public, à peine remarqué par les professionnels (deux nominations techniques aux César), La chair de l’orchidée traîne une relative réputation de « film maudit », en dépit de l’admiration que lui vouent de nombreux cinéphiles. Il faut dire que Patrice Chéreau lui-même a renié le film, qu’il estimait « improbable », et préférait considérer L’homme blessé (1983) comme sa première œuvre de cinéma. Pourtant, La chair de l’orchidée est une authentique perle noire, unique en son genre dans le cinéma français. Souhaitons que sa reprise en version restaurée à l’initiative de Tamasa Distribution élargisse le cercle des fans de ce film culte.
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.