La Bohème - la critique + le test Blu-Ray

La Bohème par Comencini ressort en version restaurée. Une adaptation du célèbre opéra de Giacomo Puccini sans réelles aspérités toutefois élégamment mise en scène.

L’argument : Paris 1910. Quatre amis, Rodolphe le poète, Marcel le peintre, Colline le philosophe et Schaunard le musicien, vivent ensemble misérablement dans une chambre de bonne. Mimi, une jeune voisine se joint à eux. Rodolphe tombe amoureux d’elle. Bientôt, la jeune fille, malade, se plaint de la jalousie de Rodolphe. Celui-ci avoue à ses amis qu’il veut quitter Mimi car il ne peut la soigner. Ils se séparent mais Mimi revient bientôt mourir dans leur petite chambre... Il s’agit d’une histoire tirée du roman Scènes de la vie de bohème, d’Henri Murger.

Notre avis : Pour mettre en scène La Bohème, Luigi Comencini a opté pour l’intime par opposition au grandiose. À l’époque, dans les années 1980, l’opéra filmé, au même titre que le théâtre, suscite un regain d’intérêt aussi bien de la part des metteurs en scène du cinéma que de la plèbe. On est alors loin des téléfilms chiches et souvent médiocres financés par les chaînes nationales. Pour contrecarrer l’image fastueuse peut-être considéré comme trop pompeuse et élitiste par le grand public peu coutumier de l’opéra, le cinéaste italien choisit de développer une sophistication toute populaire. Les plans se limitent ainsi pour la plupart aux nids de souris des protagonistes, nichés dans un Paris de bohème, où l’on vit d’amour et d’eau fraîche. Une logique qui se veut éloignée du Don Giovanni de Joseph Losey, avec ses grands espaces et ses villas palladiennes, et loin du Carmende Francesco Rosi. À noter que Tim Burton se souviendra de ce procédé pour adapter Sweeney Todd à l’écran, ne serait-ce pour les teintes en clair-obscur façon Vermeer ou Rembrandt.

Barbara Hendricks & Luca Canonici

Sans doute pourra-t-on objecter qu’un dispositif de cet acabit reposant sur le fractionnement, contrairement aux mises en scènes gigantesques classiques, perd en réalisme ce qu’il gagne en romanesque. Ainsi, Barbara Hendricks, en habituée de l’emphase inhérente aux grandes scènes, rendue possible par l’éloignement du public, peine en gros plan à faire preuve de la finesse de jeu que suppose le huis-clos. En outre, difficile pour une personne ayant quelques notions d’opéra de ne pas douter du peu d’effort visiblement fourni à l’écran par les acteurs, par rapport à la puissance du chant générée : tout a été enregistré en studio et les interprètes-chanteurs font ici du play-back. Quoi qu’il en soit, Comencini est parvenu via sa mise scène à créer un vrai personnage avec la musique. Celle-ci s’exprime dans la film non pas en enveloppant l’ensemble mais comme une peinture, comme un pastel. Les quatre tableaux n’en sont que magnifiés, et les puristes y trouveront leur compte. Néanmoins, impossible de ne pas déplorer un certain manque de poésie et de charme, et ce malgré d’impressionnants décors artificiels, dignes d’Hollywood, et quelques beaux éclairages. Malgré son attrait pour l’opéra, Comencini n’est visiblement pas très à l’aise avec ce format.

LE TEST BLU-RAY

LE TEST BLU-RAY

Les suppléments

L’édition comprend le documentaire "La Bohème, Puccini au temps de l’insouciance" (32,25 minutes), de Pierre-Henri Gibert. Celui-ci intègre notamment des entretiens d’Isabelle Parliot-Pieri (scénographe et réalisatrice de Toscan, 2010), Christian Gasc (créateur de costumes pour Mme Butterfly, Tosca, Manon Lescaut...), Ruggero Raimondi (chanteur d’opéra) et Robert Penavayre (critique d’art lyrique). L’occasion d’apprendre que Woody Allen, passionné d’opéra notoire, prévoyait lui aussi d’adapter La Bohème au cinéma en le faisant produire en France. Son idée d’alors : transposer l’histoire de façon contemporaine avec Mia Farrow en Mimi dans un loft new yorkais. Un projet finalement avorté. Autre détail intéressant : le jeune ténor Luca Canonici visible à l’écran dans le rôle de Rodolphe fait du playback sur la voix d’un autre ténor plus célèbre : José Carreras, alors trop affaiblie par une méningite pour être présent sur le tournage et donc à l’image.

L’image

Les couleurs de cette version restaurée rendent hommage au soin méticuleux apporté aux éclairages, aux décors et aux prises de vue. La profondeur des noirs est intense, la clarté qui filtre au travers des petites fenêtres de la mansarde parisienne bien rendue. Très peu de grain subsiste dans l’ensemble et l’image est bien contrastée.

Le son

Enregistrement studio oblige, orchestration et phrasés sont exemplaires. L’encodage va quant à lui du 2.0 DTS au 4.0 DTS-HD Digital Surround.