Le 13 février 2007
- Festival : Festival de Berlin 2007
Une édition très politique mais seul l’intime fait mouche.
Une édition très politique mais seul l’intime fait mouche.
Cela fait belle lurette que le Festival de Berlin n’est plus la tête de gondole d’un Occident narguant l’Est communiste. Les films de cette 57e édition renvoient pourtant les reflets ténébreux de la capitale allemande en 1945. De The good German de Steven Soderbergh à The good shepherd de Robert De Niro, Berlin se revoit sur grand écran suffoquant sous la botte américaine, alors que la Seconde Guerre mondiale laissait le pays exsangue.
De manière étrange, presque subliminale, les réalisateurs américains présents à la Berlinale marient l’hégémonie maladive de leur pays à la reconstruction européenne. Un peu comme un soldat dépouillant un cadavre après une bataille.
Eastwood (Lettres d’Iwo Jima), De Niro et Soderbergh dépeignent ainsi une humanité compromise dans le secret et des codes d’honneur vides de sens. D’ailleurs The good shepherd est un peu au cinéma ce que La malédiction d’Edgar de Marc Dugain est à la littérature. La genèse de la CIA ("les yeux et les oreilles des Etats-Unis") est le biais d’une mise à sac émotionnelle. Edward Wilson (Matt Damon) y entre avec le même détachement que lorsqu’il était invité à rejoindre les rangs des Skull and Bones, une confrérie estudiantine. De Yale à la politique occulte, Wilson fait preuve de la même incommunicabilité. Emérite dans son travail, le diplomate échoue dès qu’il s’agit de passation filiale ou érotique. De Niro, en presque trois heures, prouve sa réelle maîtrise cinématographique, liant les destins individuels à l’Histoire. Angelina Jolie, dans le rôle (secondaire) de l’épouse délaissée, est brillante.
C’est dans cette entreprise de lier la petite à la grande Histoire que Bille August fait tapisserie. Good bye, Bofana ne mérite pas pour autant les sifflets moqueurs que certains lui infligèrent. Narrer la captivité de Nelson Mandela (Dennis Haysbert) en adoptant le point de vue de son gardien de prison (Joe Fiennes, peu convaincant) revient à observer l’engagement politique depuis un trou de souris. Mais, que cela plaise ou non, ce cinéma classique, "propre", remplit son contrat de divertissement tout public, ravalant les droits de l’homme au rang d’alibi.
Heureusement, le festival a trouvé son centre émotionnel. Les témoins d’André Téchiné revient sur les années sida et embrasse les destins d’un quintette fragilisé : Manu (Johan Libereau), Adrien (Michel Blanc), Medhi (Sami Bouajila), Sarah (Emmanuelle Béart) et Julie (Julie Depardieu). Bouleversant, le film étreint la vie là où d’autres l’effleurent à peine. Et lorsque Julie entonne un air désespérée des Noces de Figaro notre cœur se serre pour longtemps. L’un des meilleurs films de Téchiné et de cette Berlinale.
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