Le 17 août 2015
Un film noir solide, révélateur d’une société en proie au doute.
- Réalisateur : Henry Hathaway
- Acteurs : Clifton Webb, William Bendix, Lucille Ball, Mark Stevens, Kurt Kreuger
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h35mn
- Titre original : The dark corner
- Date de sortie : 13 juin 1947
- Plus d'informations : Histoire du Polar au cinéma
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Un film noir solide, révélateur d’une société en proie au doute.
L’argument : Un détective privé échappe de peu à plusieurs tentatives d’assassinat. Il est aidé par sa secrétaire pour déjouer le plan machiavélique visant à l’éliminer...
Notre avis : L’Impasse tragique ne bénéficie pas, contrairement à Laura ou Assurance sur la mort par exemple, d’une distribution charismatique : Lucille Ball et Mark Stevens sont un peu trop propres sur eux, un peu trop pâles, un peu trop fades. Ils ne transportent pas, comme Bogart ou Tierney, une mythologie qui transfigure le récit et dépasse le simple film noir. Malgré ce handicap, et une fin bâclée, on ne peut qu’admirer le travail du chef-opérateur, Joseph MacDonald , qui a travaillé sur La Poursuite infernale de Ford ou Niagara du même Hathaway, et qui fouille les intérieurs en créant un entrelacs de motifs dont les ombres emprisonnent métaphoriquement les personnages. Dans toute la première partie, c’est le noir qui domine, avec l’invasion d’une nuit aussi réelle que symbolique et qui colle à la sombre machination qui piège Galt, le héros. Héros ambigu, d’ailleurs, puisqu’il passe son temps à gémir et à se désespérer. Heureusement, sa secrétaire-amoureuse, Kathleen, le pousse à réagir, à réfléchir et à sortir de l’imbroglio dans lequel il est tombé. Avec son abattage malicieux, et servie par d’excellents dialogues souvent à double sens, c’est elle qui mène le bal et dénoue le récit. D’une certaine manière, Galt est son homme de main, celui qui agit virilement pour exécuter, mais qui fondamentalement, reste une victime.
© D.R.
Au monde sombre et minable du détective et de la petite fripouille s’oppose celui, luxueux, du commanditaire apparemment hors d’atteinte. Clifton Webb, magistral, incarne à lui seul l’élégance raffinée et cruelle de l’aristocratie esthète et cultivée en retrouvant à peu près son rôle de Laura, la réplique acérée et le costume impeccable. Son univers d’apparence, que Hathaway peuple de miroirs, est habitée par une myriade de snobs ridicules qu’il méprise ouvertement. Détail singulier, sa femme, aussi belle qu’infidèle, est le portrait d’un tableau de Raphaël, ce qui peut renvoyer à Proust autant qu’à, de nouveau, Laura.
Malgré la fin, répétons-le, L’ Impasse tragique est une œuvre sombre, dans laquelle on n’en finit jamais avec son passé. Le monde décrit par Hathaway, celui d’une cité qui dissimule des secrets, des cadavres, d’obscures machinations est celui de la fin de la guerre (le film date de 1946), marqué par cette atmosphère délétère dans laquelle les homme se sentent des pions face à des puissances qui les dépassent et les ignorent. C’est aussi un monde dominé par l’avidité et l’absence de scrupules : il y a de ce point de vue quelque chose de pathétique dans la manière dont le héros se débat sans rien comprendre de ce qui lui arrive.
Hathaway sait rendre cette ambiance noire. Son métier, solide, joue agréablement des différences sociales qu’il caractérise avec sûreté et sobriété. Jamais d’effets de manche, on est dans un classicisme modeste et effacé, même si, de ci de là, il s’attache à une séquence (le combat dans le bureau, la découverte du cadavre) pour dépasser la simple rigueur de bon aloi. Au fond, de ce film noir et quasi politique, on retient l’efficacité probe qui permet de mener à bout l’intrigue embrouillée, sans rien qui pèse, avec l’assurance tranquille d’un artisan conscient de ses capacités.
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