L’homme à la fourrure - La chronique BD

S’il avait imaginé un jour que son nom allait donner naissance à une pratique sexuelle considérée comme déviante, peut-être que Leopold von Sacher-Masoch aurait passé sous silence ses fantasmes érotiques.

Auteur à succès il put jouir pleinement de ses envies de soumission suite à la lecture publique de son roman La Vénus à la fourrure en 1872.
En effet, le soir même, une jeune femme lui propose de vivre quotidiennement les actions décrites dans son ouvrage. Il rencontre la tentatrice qui deviendra sa femme, Wanda et signent ensemble un contrat stipulant ce que sera la vie du couple à l’image de celle de sa Vénus.

Après dix ans de mariage et deux enfants et à force de tirer sur la corde à bondage, Leopold n’a plus qu’une envie : adopter le Shibari de la fuite (prendre ses jambes à son cou à l’aide de cordages) mais sa femme le devance et se fait la belle avec l’un de ses amis.
Notre écrivain n’en n’ayant plus rien à fouetter de sa femme Wanda, il se remet en ménage avec sa secrétaire mais son ex-épouse continue à vivre à ses crochets (grâce à de lourdes pensions), le criblant de dettes…

Catherine Sauvat, Anne Simon / Dargaud

Au fil des pages on se prend de pitié pour ce petit bonhomme qui utilisa la transgression dans ses romans mais dont les débuts de la psychanalyse firent de l’amant un monstre décadent.

L’utilisation des seules couleurs noires et rouges (pour les scènes introspectives) sur fond crème en font un ouvrage chic, fluide, évanescent qui contraste avec la dureté des supplices requis par von Sacher-Masoch.
Car au-delà d’avoir fait de sa femme une dominatrice et lui avoir parfois forcé la main pour qu’elle l’humilie - dixit ses mémoires intitulées Confession de ma vie parues en 1907 - on s’attache (sans cordes cette fois-ci) au personnage de von Sacher-Manoch et l’on se questionne pour discerner le vrai du faux.

Catherine Sauvat, Anne Simon / Dargaud

On fait aussi connaissance avec le docteur von Krafft Ebing qui écrivit Psychopathia Sexualis, manuel de référence sur les pathologies sexuelles et dans lequel il utilisa une partie du patronyme de Sacher-Masoch pour qualifier le masochisme.
C’est d’ailleurs ce même psychologue qui défendit Sarolta Vay, que l’on croise également dans les pages de L’homme à la fourrure, lors du premier cas de jugement de gynandrie devant un tribunal.

Cette bande dessinée au titre alléchant, qui titille quelque peu, questionne et informe, de façon poétique et touchante, et, que l’on adhère ou pas aux pratiques décrites, il vaut toujours mieux en parler, les dessiner et les partager avec adultes consentant.