Le 15 octobre 2002
Objet textuel informe mêlant des grossissements de riens, des fixations de pensées volubiles sans la moindre trame que celle de se dire...
Dans son roman construit autour du "thème principal qui [le] hante depuis toujours (…) celui du Paradis", Sollers emmène ses deux personnages sur une île. Objet textuel informe mêlant des grossissements de riens, des fixations de pensées volubiles sans la moindre trame que celle de se dire, L’étoile des amants semble être à prendre ou à laisser, tel quel !
Dans le rôle de Robinson, Nicolas Flamel. Auteur, professeur à l’université (et tiens, quel hasard, homonyme de celui qui décrypta le mystère de la pierre philosophale), ce personnage est une sorte de double de Sollers (ah ! la modestie de ce bon Philippe qui conclut justement sur le pouvoir d’"obtenir la perfection du langage, changer l’urine en or" !). A ses côtés, Maud, son étudiante, qu’on nous dit "réfractaire", et dont la seule fonction semble être de relancer les rares répliques. Inconsistance mysogine oblige !
Sous couvert d’une histoire d’amoureux embarqués sur leur stella degli amanti, Sollers s’amuse et agace. Parfois avec sagacité, souvent par excès. L’omniprésence des citations et des reprises l’appelle à s’autojustifer (une pratique qu’il semble affectionner à l’extrême, parler de lui) : "Vous faites beaucoup de citations. Ce ne sont pas des citations, ce sont des preuves. Des preuves de quoi ? Qu’il n’y a qu’une seule expérience fondamentale à travers le temps. Formes différentes, noms différents, mais c’est une même chose. Et c’est là précisément le roman." L’accumulation dans une rythmique hachée et dissonante de phrases d’auteurs (apocryphes ou véridiques, on ne sait pas toujours) finit par carrément lasser. Entre les sagesses chinoises (dont il nous gratifie plus qu’abondamment), La Fontaine ou Houellebecq (salué dans un clin d’œil amusé avec ses "petits culs élémentaires"), tous les genres se côtoient allègrement. Chemin faisant, l’auteur poursuit son but de façon quasi obsessionnelle : mettre toutes ces références "en perspective et en relief sur fond d’abîme". Son abîme.
Autour de dialogues brefs et absurdes ("On joue au viol ? Qui commence ? Toi ou moi ?"), les jeux de mots approximatifs ("j’ai mauvais genre avec les genres", on l’a connu plus en forme), jouxtent les jongleries verbales les plus habiles. Tandis que celui qui joue s’en délecte. "Vous n’avez rien compris ?"
Il passe son temps à héler son lecteur, à le provoquer et à imaginer ses réactions de spectateur. Mais voilà, son côté je sème la bonne parole tout en larguant mon lecteur comme on largue les amarres a parfois tendance à ennuyer. Poseur, mondain jusque dans son phrasé, il en profite aussi pour envoyer quelques flèches bien acérées à ses pairs (éditeurs et journalistes notamment). Son paradis devient quelque peu artificiel.
A côté de ses fanfaronnades, Sollers atteint des points de gravité. Lors d’un des rares moments de justification sincère, il convient que les mots n’expriment rien, si ce n’est les mots "sirupeux ou violents". Il a choisi son ton. Alors, L’étoile des amants, roman du bonheur originel ? Pas si sûr.
Philippe Sollers, L’étoile des amants, Gallimard, 2002, 176 pages, 14,50 €
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