Le Montana est l’État américain qui compte le plus grand nombre d’écrivains par habitant. Et parmi eux, les plus grands écrivains contemporains (Thomas McGuane, James Welch et avant eux Raymond Carver ou Norman MacLean). Si Rick Bass réfute le terme "d’école du Montana", il parle volontiers de "mouvance, de tendance, de communion d’esprit". Son dernier recueil de nouvelles illustre à merveille cet amour des grands espaces au sein desquels l’homme et la nature ne font qu’un. L’ermite se lit en inspirant et en expirant lentement et profondément. Chaque mot pénètre nos poumons comme autant de bouffées d’air pur et revigorant, avec pour conséquence un effet surprenant : l’humanité des personnages nous saisit brutalement, comme une bourrasque de vent trop vive et tétanisante.

C’est dans cette capacité de Rick Bass à nous catapulter soudainement dans des univers que réside la fabuleuse puissance des ses récits. Dans ces nouvelles, l’immersion est totale et immédiate. Elle est naturelle et coule de source : l’important n’est pas de savoir si Kirby restera longtemps pompier bénévole ou si Russel et Sissy vont s’aimer pour l’éternité. Vain également de connaître la vie de Mason entre la première fois qu’il a visité Monticello en Virginie et celle qui nous est racontée. Ce qui compte, c’est de vivre un instant avec tous ces personnages, d’effleurer du bout des doigts ce qui fait l’essence de leur existence et d’accéder ainsi à un petit moment d’éternité, comme si l’écriture rude et concise de Rick Bass était le chemin le plus court pour atteindre la grâce. Comme dans Le cygne, la sublime seconde nouvelle, qui voit un amour se briser sur le rocher de la maladie d’Alzheimer.