L’assistante du docteur Stein
Le 27 janvier 2014
Stratagèmes naïfs et composition musicale enchantent dans cette dernière (?) pièce du rez-de-jardin de l’étrange et merveilleux Château du Hasard de Jean-Charles Fitoussi. Un ticket s’il vous plait !
- Réalisateur : Jean-Charles Fitoussi
- Acteurs : Frédéric Bonpart, Luis Miguel Cintra, Bernard Blancan, Théophile Gady, Valentine Krasnochok, Bruno Passera, Gabrielle Passera Chevallier, Frédéric Schiffter, Laurent Talon, Cécile Reboul, Emmanuel Levaufre, Santiago Espinosa, Jean-Claude Passera
- Genre : Comédie dramatique, Fantastique
- Nationalité : Français
- Durée : 1h07mn
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– Prix Jean Vigo 2013
– Rétrospective Jean-Charles Fitoussi à la Cinémathèque Française du 22 janvier au 2 février 2014
Stratagèmes naïfs et composition musicale enchantent dans cette dernière (?) pièce du rez-de-jardin de l’étrange et merveilleux Château du Hasard de Jean-Charles Fitoussi. Un ticket s’il vous plait !
L’argument : Théophile passe ses vacances d’été en Italie, dans les collines des Marches et goûte la liberté chez son grand-père qui vit retiré du monde. Trouvant l’état de santé de ce dernier très dégradé, l’enfant fait appel au docteur William Stein qui, il y a sept ans, avait déjà redonné vie au vieil homme. Stein envoie sur place sa meilleure infirmière… à qui tout est permis.
Notre avis : Huitième et, selon l’auteur, dernière pièce du rez-de-jardin de ce château du hasard dont la construction [1], sans plan préalable, a commencé en 1994 avec Aura été (titre conservé en exergue des films suivants), et qui comprend entre autre l’admirable Les jours où je n’existe pas (2002), L’enclos du temps est une nouvelle variation libre, sous forme de conte enfantin, d’un système à la fois simple et subtilement sophistiqué qui associe (compose) musicalement ce que proposent les circonstances (le désir de retour d’un acteur jugeant trop bref son rôle dans Le Dieu Saturne), les coïncidences de la vie, les contraintes de production ou les accidents de tournage, bref : ce qu’on appelle le hasard.
- L’Enclos du temps de Jean-Charles Fitoussi, 2012 © Jean-Charles Fitoussi
Après une ouverture qui rend hommage, sans l’imiter, au cinéma d’un Terence Fisher (seul cinéaste que Fitoussi a choisi d’inviter dans le cadre de la rétrospective de son oeuvre à la Cinémathèque) avec cet inquiétant docteur (Franken-) Stein rafistolant les morts et leur offrant une seconde vie, le film part, avec l’assistante apprentie-sorcière du Maître, dans les Marches et s’aventure dans un étrange et délicieux entre-deux, à la croisée du film de famille (conversations à bâton rompu autour d’une table dans un jardin), du conte enfantin doucement horrifique, peu soucieux de vraisemblance mais attentif aux détails, et d’un cinéma bis, aimé sans détour par le second degré, qui ne cesse de poser la question de ce qui peut bien avoir disparu dans les raccords improbables et fait de nécessité vertu : ce qu’on ne peut montrer faute de moyens restera dans le mystère du hors champ.
On y rencontre un petit garçon grave et une petite fille rejouant l’histoire du petit Chaperon Rouge avec des marionnettes, mais aussi des chiens, un chat, un âne ; on y prend le temps d’écouter le carillon d’un clocher de village ou l’ouverture entraînante de la Petite messe solennelle de Rossini pendant que s’apaise progressivement le mouvement d’une balançoire ; on y contemple la lune, les pommes sur les branches d’un arbre, la lumière changeante d’un après-midi d’été.
- L’Enclos du temps de Jean-Charles Fitoussi, 2012 © Jean-Charles Fitoussi
Buñuel, Iosseliani, les Straub ne sont pas loin, veillant tels des mânes bienveillants, nullement écrasants, sur ce cinéma à l’humour déconcertant par son absence d’arrière-pensée (et ignorant la peur de tomber à plat) qui ne cherche jamais la connivence avec le spectateur sur le dos des personnages ni l’affirmation d’une quelconque maîtrise mais accepte d’être désarmé et, déployant ses stratagèmes naïfs et rusés pour cueillir ce qu’offre le hasard, sait faire sentir comme nul autre l’étrange bonheur d’exister (Ce qui est est ! crient les enfants sur le terrain de foot au début de Temps japonais, une des dépendances du château).
Ce bonheur est aussi celui offert au spectateur qui accepte de se laisser ainsi surprendre et émerveiller. Et si les petits malins ricanent : tant pis pour eux !
- L’Enclos du temps de Jean-Charles Fitoussi, 2012 © Jean-Charles Fitoussi
[1] Nul ne définit mieux les principes qui sont au coeur de sa démarche que Fitoussi lui-même :
Chacun de mes films s’inscrit dans un ensemble intitulé le château du hasard. Il n’y avait au départ d’autre dessein que de témoigner de la toute puissance du hasard en matière de création. Au fur et à mesure des liens se sont formés entre les films, créant des séries, suscitant des suites, comme l’agencement des pièces d’un château. Le rez-de-jardin est aujourd’hui achevé (huit films et demi), le premier étage est en cours de construction (un film réalisé et deux esquissés sur les huit projetés). Enfin quelques dépendances, au double sens du terme. » Jean-Charles Fitoussi (Dossier de presse de la Rétrospective à la Cinémathèque du 22 janvier au 2 février 2014)
Ce qui fait le film, le désir et le travail du réalisateur, n’a jamais été écrit. À l’inverse de la musique, le cinéma
ne peut disposer d’un langage qui l’exprimerait en partitions. (…) Un art de plain-pied avec la réalité, qui fait
son miel de ses singularités, se laisse aussi peu saisir que le réel lui-même. Lumières, couleurs, sons, gestes, un
timbre de voix, une allure, un rien dans un regard, un visage, ce visage, ce ciel, et plus encore un raccord, un
enchaînement de plans, le mouvement des corps et du regard, tout ce qui donne un plaisir spécifiquement
cinématographique, ne s’écrit pas. Jean-Charles Fitoussi, 2010
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