Le 11 juillet 2023
Magnifiquement filmé, le long-métrage d’Adilkhan Yerzhanov s’invite dans les destins cabossés d’un instituteur réduit à la rue et d’une adolescente que son statut condamne à la mendicité. Une grande œuvre de cinéma au charme pétillant et poétique.
- Réalisateur : Adilkhan Yerzhanov
- Acteurs : Daniar Alshinov, Adema Yerzhanova, Bolat Kalymbetov
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Russe, Kazakh
- Distributeur : Destiny Films
- Durée : 1h29mn
- Titre original : Adamoka's Education
- Date de sortie : 12 juillet 2023
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Résumé : La jeune Ademoka souhaite aller à l’école mais son statut de Lyuli - sorte de gitan d’Asie Centrale - la destine à la mendicité. Erkin, autrefois écrivain célèbre, aujourd’hui professeur insolite, vient d’être renvoyé de son école. Il va repérer le talent d’Ademoka et décide de la prendre sous son aile, en lui transmettant une éducation.
Critique : Ça commence par un dessin d’enfants, dispersé dans l’herbe sèche, et toujours les grandes plaines désertiques du Kazakhstan. Une jeune femme se fait traîner dans une voiture conçue pour le jeu et se retrouve dans un espace qui pourrait être une maison ou une scène de théâtre. En réalité, Adilkhan Yerzhanov amène son spectateur au cœur de la culture des Gitans, lesquels, on ne sera pas étonné, subissent le rejet et le harcèlement administratif. Le monde original et coloré s’invente chez le réalisateur kazakh à même la rue où il plante des morceaux de décor, des objets pour donner vie à un univers d’une très grande imagination.
- Copyright Destiny Films
Dès les premières secondes, on reconnaît la patte joyeuse et lumineuse du réalisateur Adilkhan Yerzhanov qui sait, plus que tout autre, jouer avec le réel, le drame, la poésie et le pamphlet politique. L’éducation d’Ademoka est une œuvre colorée et attachante, qui dénonce avec nuance la discrimination contre le peuple des gens du voyage. Pour autant, le long-métrage est nettoyé de toute velléité démonstrative. La caméra, accompagnée d’une musique douce, se centre sur la jeune Ademoka, avec ses longs cheveux rouges, et son regard aussi pétillant que pétri d’une immense mélancolie. La corruption s’invite évidemment dans ces villes désertiques où l’accès à la scolarité relève du parcours du combattant, d’autant plus quand on est issu de la communauté gitane, dont l’avenir se réduit à la mendicité.
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Le théâtre, le rire fréquentent un drame plus sombre, celui d’une adolescente qui prend à témoin le spectateur pour confier son désir d’instruction. Elle est sans-papier, sans identité sociale, et n’a pour bagage qu’un don pour le dessin. La mise en scène irrésistible s’incarne dans des choix de décors, de costumes d’une franche inventivité. Adilkhan Yerzhanov sait filmer plus que tout autre la beauté dépouillée des grands espaces de son pays. Derrière le drame, il offre un spectacle de la nature humaine des plus attachants. On se souvient du très beau La tendre indifférence du monde qui empruntait le titre à une page de Camus. Le réalisateur kazakh n’a pas perdu un gramme de sa fougue poétique, son ardeur à dénoncer la société qui est la sienne sans jamais sombrer dans la lourdeur de la satire. La mise en scène très maîtrisée s’appuie sur des personnages lunaires, d’une grande beauté intérieure, balayée par le rire et la délicatesse.
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Comme à chaque fois, le film est extrêmement travaillé. L’image est très belle, offrant aux paysages désertiques et désolés du Kazakhstan un brin de poésie. L’attention portée aux objets qui remplissent l’espace permettent au récit de gravir une dimension supérieure, aérienne, à l’instar de ces avions qui attendent de s’envoler. Le réalisateur raconte peut-être combien le cinéma, le fait de raconter des histoires, lui ont valu de donner à son existence un supplément d’âme. La relation qui se noue entre l’adolescente et l’instituteur pauvre est d’une exquise beauté, semblable à la rouille qui ronge les murs mais recèlent en leur intérieur des trésors d’amour.
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L’éducation d’Ademoka est très différent d’Assaut qui sort sur les écrans français le même jour. Et pourtant les deux films semblent se répondre l’un et l’autre, offrant la possibilité aux personnages qui parcourent les deux récits de devenir autre chose que le destin auquel ils sont contraints. Ce sont du coup des œuvres à la fois très optimistes et sombres sur l’état d’un pays qui peine à s’émanciper et à donner à son peuple des raisons d’exister. L’art, la littérature, le cinéma confèrent ces humanités désertées à inventer des mondes et à trouver au milieu d’un ciel rose et aqueux, un espace pour grandir.
- © Destiny Films
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