Sur les écrans au dernier trimestre 2020
Le 6 mai 2020
Voilà un film qui porte bien son titre, tant le propos est noir et grave. Le cinéaste décrit une police corrompue, avec un vrai sens de la mise en scène et un art certain de la nuance et de l’humour. Adilkhan Yerzhanov atteint presque la perfection cinématographique.
- Réalisateur : Adilkhan Yerzhanov
- Acteurs : Dinara Baktybayeva , Daniar Alshinov, Teoman Khos
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Russe, Kazakh
- Distributeur : Arizona Distribution
- Durée : 1h50mn
- Date de sortie : 14 octobre 2020
- Festival : Festival des cinémas d’Asie 2020
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Résumé : Bekzat est un jeune policier qui connait déjà toutes les ficelles de la corruption des steppes kazakhes. Chargé d’étouffer une nouvelle affaire d’agressions mortelles sur des petits garçons, il est gêné par l’intervention d’une journaliste pugnace et déterminée. Les certitudes du cow-boy des steppes vacillent.
Notre avis : Les pires dictatures ont heureusement leurs cinéastes ou leurs journalistes. C’est le sentiment général qui ressort de ce film A dark, dark man qui montre avec effroi les rouages d’une police censée protéger la population, mais qui pactise avec la pègre pour maquiller des crimes et protéger des politiques véreux. On fait avouer les prévenus en les torturant, du moment qu’ils aient parlé avant 18 heures, ou on se fait payer pour faire disparaître des pauvres gens transformés artificiellement en coupables idéaux. Heureusement, une jeune journaliste s’invite dans le quotidien de ce commissariat kazakh, sans doute à la façon dont un artiste comme Adilkhan Yerzhanov brandit une caméra courageuse, pour dénoncer la corruption de son pays.
- Copyright Arizona Distribution
Et Yerzhanov le fait magnifiquement. Sa dernière œuvre La tendre indifférence du monde confirmait ses talents de conteur, de défenseur des libertés, de promoteur du statut des femmes et évidemment de cinéaste. Ici, la photographie se garde de toute forme de démagogie. Les champs de maïs qui bordent l’ombre des montagnes, les routes désertiques assument une sorte de transcendance esthétique, pour mieux dénoncer l’organisation de la justice au Kazakhstan. En ce sens, il ne s’agit pas d’un film réalisé contre le pays. Au contraire, il y a un souci du Beau constant dans les paysages, dans les personnages, à l’inverse exacte des pratiques monstrueuses de la police. Le silence désespéré du peuple tranche avec la noirceur d’un système répressif qui décide de ses propres règles. On pense particulièrement à ce début de film, où les enquêteurs s’arrangent pour faire accuser de crime pédophile un pauvre homme handicapé mental. Des mafieux sans scrupule ont demandé qu’il soit liquidé.
- Copyright Arizona Distribution
A dark-dark man est une expérience cinématographique d’une très grande tenue. La mise en scène assurément subtile s’incarne dans les jeux de reflet, les hors champ, le travail sur les plans. La méticulosité avec laquelle le cinéaste construit chaque scène permet au récit d’échapper au risque du manichéisme ou de l’excès démonstratif. Le réalisateur laisse le spectateur se faire sa propre idée des rapports complexes qui s’établissent entre les gens, dans un contexte de société où la corruption, le mensonge, sous fond de pauvreté, ont pris toute la place de la raison et de la démocratie. Il n’y a pas de jugement incisif dans le film. Au contraire, le scénario manie le rire glacial, le romanesque policier, aidant les personnages à dépasser la pression sociale monstrueuse qui pèse sur eux et à faire advenir le devoir de vérité. En même temps, Adilkhan Yerzhanov ne fait pas de cadeau à cette société cruelle et machiste où les femmes sont méprisées et dominées, en narrant une fable sombre hantée par des crimes sexuels, commis contre de jeunes garçons sans famille.
- Copyright Arizona Distribution
Ce western social, filmé au milieu des plaines arides du Kazakhstan, confirme le très grand talent de son réalisateur. On retrouve la même intelligence du cadrage qui avait fait de La belle indifférence du monde un chef-d’œuvre. Une nouvelle fois, A dark-dark man hisse Adilkhan Yerzhanov au rang des cinéastes mondiaux les plus importants du moment.
FA A,DARK,DARK MAN from Arizona Distribution on Vimeo.
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