Un hussard en Guyane
Le 25 mars 2020
Aventures pétaradantes dans la Guyane des années 30. Bonheur de lecture assuré !
- Auteur : Jacques Perret
- Editeur : Le Dilettante
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : France
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Résumé : Le Blanc, c’est donc lui, Perret Jacques, l’épingleur de caporal, un mètre quatre-vingt-cinq de baroudeuse décontraction et d’ardente flânerie ; les Rouges ce seront eux, Indiens de la sylve guyanaise, industrieux, paisibles et hautement capiteux. L’affiche est au complet, alors levons le rideau : en 1930, deux nababs de la chaussure, d’or avides, financent une mission d’orpaillage en Guyane ; le musée de l’Homme bénit l’équipage. Route ! De cette petite virée tropicale humide résulteront maints textes que voici : articles de journaux dans Un Blanc chez les Rouges, et nouvelles avec L’Aventure en bretelles. Tout en macérant dans l’air lourd comme de l’étoupe des sous-bois guyanais, pagayant furieux sur un fleuve aux mille bras, Perret, flanqué de l’ami Poubeau, croise une faune prévisible de blancs obnubilés, chasseurs d’or ou chercheurs de papillons, est reçu par les seigneurs du lieu, dont l’Indien Toucoutsi, chasseur d’agouti et s’adonne à des rituels basiques : suer, cuisiner, se protéger des insectes, se garder des dames et surtout s’engloutir dans les tréfonds du « carbet », le sommier local, hamac dit-on en Europe. Cosse de toile pour notre graine de flemmard. Et c’est sans doute, ce que nous retiendrons : au cœur de la forêt tropicale, offert, indémodable, autel à la déesse sieste : un hamac où renaître.
Critique : Le Dilettante est un éditeur à double visage. D’un côté, celui d’un découvreur de jeunes auteurs actuels (Anna Gavalda, Ludovic Roubaudi [1], etc.) ; de l’autre, celui d’un redécouvreur d’écrivains des années 30, 40 ou 50, tombés dans l’oubli [2]. Mais qu’il s’agisse de textes d’hier ou d’aujourd’hui, le ton Dilettante existe, fait d’un je-ne-sais-quoi d’humour et de distanciation. Des textes souvent succulents qui, quoique très différents, appartiennent, c’est flagrant, à une même famille de plume. L’un des oncles de cette plaisante maisonnée se nomme Jacques Perret. Le concernant, Le Dilettante n’en est pas à son coup d’essai, il publie Perret depuis 89, à dose homéopathique malheureusement [3], raison de plus pour se précipiter sur ces histoires de chercheurs d’or tirées d’un purgatoire datant des années 30.
Dans la première partie, composée d’article de journaux, Perret raconte à petite vapeur les heurs et malheurs d’une mission d’orpaillage en Guyane, financée conjointement par deux industriels de la chaussure et le musée de l’Homme. On découvre le pays, ses habitants d’origine, les Indiens de la forêt amazonienne au corps rouge, teint au roucou. Excellente entrée en matière pour se faire une idée de ce qu’était l’aventure entre les deux guerres.
Et puis vient la fiction et le style de Perret explose. Malicieux, plein de fantaisie, d’une verve de tous les instants, d’une inventivité de plume confondante. Trois nouvelles pour trois portraits de personnages hauts en couleurs. Ancien bagnard collectionneur de papillons, orpailleur échauffé par une volcanique lolita indienne, inénarrable aventurier en bretelles : des zigotos comme on n’en fait plus et surtout comme on n’en écrit plus. Chaque ligne est un délice, pétillante d’ironie, pétaradante d’invention, ciselée par un orfèvre bien peu conformiste, aussi farfelu que doué. Du grand art à la hussarde, on pense à Nimier (bien que Perret ne soit pas de la même génération). Bref, c’est profond sous des dehors légers et cocasses, c’est merveilleux, c’est ahurissant de savoir-faire, le bonheur de lecture est inversement proportionnel au tout petit nombre de pages, on adore, on en redemande et on clame, chapeau bas. Voilà qui s’appelle écrire, bigre !
Jacques Perret, L’aventure en bretelles suivi de Un Blanc chez les Rouges, Le Dilettante, 2004, 160 pages, 13,50 €
[2] Par exemple, Henri Calet
[3] Trois ouvrages ont été publiés par Le Dilettante, Les collectionneurs (1989), Comme Baptiste... ou les tranquillisants à travers les âges (1992) et François, Alfred, Gustave et les autres (1996)
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