Quelle drôle d’idée a traversé l’esprit de Fabrice Douar, qui, avec Jean-Luc Martinez, a investi la petite Galerie du Musée du Louvre pour marier deux mondes a priori très éloignés dans une exposition originale, ludique et subtilement didactique.
Tout d’abord, la petite Galerie du Musée du Louvre a la forme d’un couloir. C’est tout le paradoxe de cette antichambre à laquelle on accède par l’entrée Richelieu, qui contraste par rapport au gigantisme du Musée du Louvre dans lequel on a plaisir à se perdre. Les visiteurs qui arrivent dans cette galerie par hasard sont presque désorientés par cette linéarité d’une déambulation dont le sens est imposé et qui réduit à néant toute errance. Ainsi, la scénographie à laquelle la petite Galerie du Musée du Louvre astreint les commissaires de ces expositions pédagogiques est ordonnée comme peut l’être une salle de classe où chaque objet est à sa place. On finit par admettre que cette organisation convient particulièrement à la vocation trouvée pour cet espace dédié à la médiation pédagogique, à la vulgarisation scientifique, à l’éducation scientifique, artistique, culturelle.

L’inventivité créatrice dont la petite Galerie, une nouvelle fois aujourd’hui, se fait le théâtre fait se mêler arts, ères, styles, activités humaines à foison. De la contrainte de la scénographie, les commissaires de l’exposition tirent profit en permettant d’aborder librement plusieurs aspects de cette fantastique histoire de l’archéologie en dessin… Interrogé par Graziella Le Norcy, étudiante en Master Lettres Modernes dans le cadre d’un travail de sociologie des arts et de la culture à la Sorbonne Nouvelle, Fabrice Douar revient sur ce qui l’a inspiré dans ce rapprochement entre BD et archéologie : C’est assez facile finalement, tous les ans, on monte une expo sur un thème particulier de l’histoire de l’art. On invite un art qui ne fait pas partie de ceux exposés au Louvre. (…) C’est peut-être venu un peu plus tôt que prévu dans le sens où j’ai monté depuis 15 ans une collection de bande dessinée. (…) Je pense que le directeur s’est dit, à un moment, on a abordé la danse, la mythologie, comment on peut aborder l’archéologie. On a trouvé des liens, on a trouvé des choses et voilà, la bande dessinée s’est invitée de cette façon. Belle intuition qui fonctionne tout au long du parcours où de magnifiques pièces des collections archéologiques du Louvre - telles que celles sous la vitrine stratigraphique de Suse en Iran — sont mises en lumière sous un jour nouveau par la convocation de planches de Rahan, Tarzan, d’Astérix, Silex and the City, Prince Vaillant,… Les points de rencontre sont nombreux et pluriels : du premier archéologue de bande dessinée, Martin Mystère, au casque corinthien qui a inspiré le personnage d’Hécube à Enki Bilal, en passant par une BD d’anticipation qui plonge le visiteur dans la Grande Galerie du Louvre en ruines vue par Hubert Robert à la fin du XVIIIe siècle.
Ces associations peuvent ne pas suffire à convaincre de la pertinence de ces multiples rapprochements. Dans l’entretien que Florence Binet, enseignante associée au projet, a accordé à Morgane Moncomble, une autre étudiante du Master Lettres Modernes dans le cadre de ce travail en sociologie, la relation entre bande dessinée et archéologie se justifie d’une autre façon : L’un des liens forts, c’est le dessin justement. Parce que l’archéologue, sur le site, va faire des relevés, des plans etc. donc il va dessiner. Et puis le deuxième lien très fort, c’est la narration. L’archéologie va raconter l’histoire de l’objet comme le dessinateur raconte lui aussi une histoire.

Merci à Ilanah N., Morgane Moncomble, Morgane Kesterman, Graziella Le Norcy de ce travail de qualité et d’en avoir autorisé cette exploitation imprévue.