Le 8 mars 2018
Un premier film lent et entêtant qui suscite un profond malaise.
- Réalisateur : Wim Wenders
- Acteurs : Rüdiger Vogler, Arthur Brauss, Kai Fisher
- Genre : Drame
- Nationalité : Allemand
- Distributeur : Les Acacias, MK2 Distribution
- Durée : 1h41mn
- Reprise: 14 mars 2018
- Box-office : 23.452 entrées sur Paris Périphérie (1978)
- Titre original : Die Angst des Tormannes beim Elfmeter
- Date de sortie : 13 septembre 1978
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– Année de production : 1971
Résumé : Expulsé par l’arbitre, un gardien de but erre dans les rues de Vienne. Il fait la connaissance d’une jeune femme, passe la nuit avec elle, et la tue au matin.
- (C) Wim Wenders Stiftung 2014. Reprise 2018 Les Acacias
Notre avis : Ce premier film de Wenders, bloqué trente ans pour des problèmes de droits musicaux, présente à travers l’histoire de Peter Handke qui suit l’errance d’un gardien de but avant et après un meurtre un condensé des thèmes et de la manière du cinéaste. Dès cette éclosion, la maîtrise patente du cadrage éblouit : on sent que chaque image est ciselée, réfléchie, pour créer une esthétique du plan, chacun étant presque indépendant tant le film est fait de ruptures et de décalages.
- Copyright Les Acacias
L’intrigue y a une place mineure : s’il y a bien meurtre, l’enquête n’est évoquée que par les journaux et ne sera pas résolue à l’écran. Quant aux autres pistes, la disparition d’un enfant muet, la relation entre Joseph le gardien de but et Hertha l’aubergiste, elles sont décevantes ou irrésolues. Ce n’est bien sûr pas ce qui intéresse Wenders, qui enregistre plutôt les moments creux, les discussions vaines ou les menues occupations du quotidien. Il y a certes des bagarres, le meurtre déjà cité qui est presque une ellipse, mais ces péripéties apparaissent comme accessoires par rapport à l’observation attentive du monde. Mais pas un monde organisé et signifiant comme dans le cinéma classique ; un monde opaque, à l’image de son protagoniste antipathique et renfrogné. Ici, les objets ou les personnages ne sont pas des signes qui renvoient à l’intrigue et la nouent, mais les éléments arbitraires d’un récit qui s’effiloche et se perd, de la ville au village près de la frontière dans un agrégat de moments singuliers et banals. Une servante ouvre la porte de la chambre en la croyant vide, un simplet jette une bouteille de bière, une employée ramasse des confiseries, un homme coupe du bois : on est dans un enregistrement du concret, dépouillé de tout lyrisme. De même Wenders refuse-t-il toute psychologie : on ne saura pas la raison du meurtre, s’il y en a une, ni le métier de Joseph, s’il en a un. Rien non plus sur le passé des héros ; leurs dialogues ne révèlent rien, ils se bornent à des considérations vagues et souvent les paroles des interlocuteurs sont en décalage, comme des bribes saisies sans rapport entre elles. Chacun est dans son monde, et la communication verbale, à l’image du long monologue du gendarme filmé en un travelling patient, n’aboutit que rarement.
- Copyright Les Acacias
Pas d’émotion non plus, les personnages se dérangent plus qu’ils ne se fréquentent. Ainsi de la fillette, sans cesse renvoyée (« elle ne compte pas », dit sa mère) ou des reproches adressés à Joseph par Hertha. Rien de tendre n’advient, les paroles sont souvent peu amènes. C’est que Wenders filme un délitement, une dilution de l’homme moderne dans un univers incompréhensible et injustifiable. D’où aussi ces plans de violence gratuite soudaine comme le sont les décisions de Joseph : tout est au présent, sans lien ni causalité. La vie est ainsi, semblent dire les scénaristes, une errance solitaire et répétitive : la récurrence des juke-box, les journaux ou de la radio sont là pour évoquer le piétinement d’un récit qui commence et se conclut par du football, en un cycle vain.
- Copyright Les Acacias
On s’en doute, le film ne tient ni du polar ni du suspens, malgré la musique qui y renvoie : le risque de lassitude ou d’ennui est évident, et sans doute des spectateurs y succomberont-ils. Pourtant de ce lent portrait, où l’on retrouve quelques futures obsessions de Wenders (l’errance, bien sûr, mais aussi les références à l’Amérique, l’envolée finale de la caméra qui se répète dans Alice dans les villes), naît un sourd malaise qui ne cesse de croître. La perfection formelle ne se mue pas en un spectacle rassurant, elle ne fait au contraire qu’enfermer les personnages dans un cadre stérilisant, leur déniant toute liberté réelle. Ressassement, piétinement, le monde que saisit Wenders n’a rien d’optimiste et la fin suspendue aggrave encore le sentiment d’insécurité. Coup d’essai, certainement, mais ni brouillon ni ébauche, L’angoisse du gardien de but au moment du penalty se voit aujourd’hui comme la naissance d’un grand cinéaste qui offre une vision sans concession.
RÉTROSPECTIVE WIM WENDERS EN 6 FILMS
(Allemagne de l’Ouest - 1971 - 1981)
Avec Rüdiger Vogler, Hanna Schygulla, Nastassja Kinski, Dennis Hopper, Bruno Ganz, Lisa Kreuzer, Patrick Bauchau, Samuel Fuller
Sortie le 14 mars 2018
Versions restaurées par la Fondation Wim Wenders
L’ANGOISSE DU GARDIEN DE BUT AU MOMENT DU PENALTY (1971)
ALICE DANS LES VILLES (1973)
FAUX MOUVEMENT (1974)
AU FIL DU TEMPS (1975)
L’AMI AMÉRICAIN (1976)
L’ÉTAT DES CHOSES (1981)
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