Le 12 mars 2016
Un drame à la fois sombre et humaniste où éclate déjà la maîtrise de Kurosawa.
- Réalisateur : Akira Kurosawa
- Acteurs : Takashi Shimura, Toshirō Mifune, Reizaburō Yamamoto, Michiyo Kogure
- Genre : Drame, Thriller, Noir et blanc
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Carlotta Films
- Editeur vidéo : Wild Side Video
- Durée : 1h38mn
- Reprise: 17 avril 2019
- Titre original : Yoidore Tenshi
- Date de sortie : 6 février 1991
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– Sortie en version restaurée : 17 avril 2019
– Année de production : 1948
– Sortie Blu-ray : le 2 mars 2016
Résumé : Appelé en pleine nuit à soigner un jeune gangster pour une blessure à la main, un médecin alcoolique décèle une affection plus grave, la tuberculose. Il tente de soigner le jeune homme qui ne veut rien entendre, et malgré les disputes et les menaces, il se prend d’amitié pour lui. Le chassé-croisé des deux hommes que tout oppose trouvera une issue tragique dans les milieux violents de la pègre japonaise.
Notre avis : Septième film de Kurosawa, mais premier personnel selon lui, L’ange ivre repose sur un affrontement entre un médecin des pauvres, revêche et grossier, qui n’est pas sans évoquer le futur Barberousse et un yakuza tuberculeux, interprété par l’acteur fétiche, Toshiro Mifune. De cet affrontement le cinéaste tire une réflexion sur la condition humaine aussi bien que sur le Japon d’après guerre. En enfermant ses personnages dans un décor clos, à l’horizon bouché et dont le centre semble être un cloaque, Kurosawa montre un pays malade et souillé ; même les extérieurs, comme le marché, sont filmés comme des pièges, des nasses. Toujours le travail sur le cadre emprisonne : murs, ciel menaçant, ombres portées, dessinent un espace sans espoir. À cette noirceur répond le parcours autodestructeur des personnages : le médecin ivrogne, l’ange du titre, a raté sa vie ; le yakuza malade court vers sa perte. C’est que, de manière explicite, ils sont présentés comme des doubles : même penchant pour la bouteille, même violence, physique pour l’un, verbale pour l’autre. Leur disposition dans le cadre ne cesse de suggérer leur ressemblance.
- L’ANGE IVRE © 1948, TOHO Co., Ltd. Tous droits réservés.
Kurosawa n’a pas encore atteint sa pleine maîtrise : le film est un peu trop explicite, certains passages assez banals. De même les influences du cinéma occidental, entre néoréalisme (la description des lieux) et expressionnisme (cadres penchés, regards hallucinés), sont par moments trop présentes. Mais son cinéma est déjà d’une force inouïe : la scénographie, évidemment, qui sera sa marque de fabrique ; mais aussi cette manière de filmer des corps expressifs, constamment en mouvement. On pourrait schématiser en disant que là où Ozu ou Mizogushi travaillent l’ineffable, Kurosawa joue sur la monstration. C’est sa puissance, un sens inné de l’action exaltée qui donne à ses personnages une dimension supplémentaire. Pleinement conscients, ils obéissent à un destin funeste dont l’issue est écrite, et dont rien ne les fait dévier ; même malade, le yakuza quitte la protection du médecin pour boire et défier le « parrain ».
- L’ANGE IVRE © 1948, TOHO Co., Ltd. Tous droits réservés.
Le plan récurrent du marais bouillonnant sert de métaphore au film : comme le poumon malade, il représente la gangrène sociale mais aussi la noirceur humaine. Néanmoins Kurosawa parle aussi de bonté et de tendresse : du dévouement du médecin à la serveuse qui paie pour le yakuza, la compassion affleure constamment malgré la violence du monde. De cette violence le cinéaste sait faire des séquences d’anthologie : la mort de Mifune, avec la peinture, le couloir, le travelling ascendant et la fin bras en croix, est exceptionnelle. Mais c’est aussi par des détails, presque anodins, que le film est marquant : une porte qui refuse de rester ouverte, des pinces qui tiennent une cigarette, des rides sur l’eau … Sans cesse Kurosawa scrute et reconstruit une réalité à sa mesure, avec un regard moral et attendri qui confère une unité à L’ange ivre comme à toute son œuvre.
Les suppléments :
Entre le livret érudit de Charles Tesson, l’intervention analytique de Jean Douchet (12 minutes) et l’extrait d’un documentaire japonais (31 minutes), on dispose d’une édition majeure qui apporte bien des éclaircissements sur le film.
L’image :
La copie restaurée est inégale : certains plans présentent des défauts : parasites, manque de contrastes ou de stabilité, zones floues. D’autres sont miraculeusement préservés.
Le son :
Là encore, stridences, sons éraillés alternent avec des passages quasiment limpides.
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