Prisonnier dans un corps de femme
Le 20 mai 2019
Un roman réédité près d’un siècle plus tard, frappant pour sa saisissante modernité : un classique de science-fiction aborde le transexualisme en 1922.
- Auteur : André Couvreur
- Collection : Les Orpailleurs
- Editeur : Bibliothèque nationale de France Editions
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Résumé : Dans ce roman d’anticipation datant de 1922, le professeur Tornada métamorphose un peintre parisien, Georges Sigerier, en femme. Prisonnier de ce nouveau corps qu’il apprend à découvrir, il renoue des liens avec Rolande, son ancienne maîtresse. Il se confronte à l’impossibilité de lui révéler son opération, mais en profite pour approfondir la vérité de ses sentiments.
Notre avis :
De même que Le Maître de la Lumière ou Trois ombres sur Paris, l’intrigue en présence prolonge l’exploration à laquelle la BNF nous invite, en publiant des pépites littéraires s’adressant aux curieux comme aux adeptes de littérature de ce genre du « merveilleux scientifique », auquel elle consacre une exposition. Dans ce roman d’André Couvreur, le loufoque de la situation - un homme se réveille transformé en femme - n’empêche pas de prendre au sérieux les questionnements du narrateur. Le lecteur peut se souvenir des multiples variables d’adaptation cinématographique du roman de Robert Louis Stevenson, L’étrange cas du docteur Jekyll et Mister Hyde, et ainsi s’amuser des ressorts comiques qui rappellent la trame de Docteur Jekyll et Sister Hyde de Roy Ward Baker autant qu’être pénétré de la gravité du thème qui nous rapproche cette fois du Testament du docteur Cordelier de Jean Renoir. Ce roman contient en germe des sujets qui nous interpellent toujours aujourd’hui : les stéréotypes de genres, les limites que les comités bio-éthiques ont pour mission de poser aux pratiques médicales, chirurgicales et scientifiques, les enjeux de consentements et de consciences de choix vis-à-vis de figures d’autorité.
L’histoire peut paraître saugrenue, mais elle renvoie bien à cette époque dont rétrospectivement, on comprend le sens. C’est l’essor de la psychanalyse freudienne, c’est la nouvelle image que la figure du chirurgien a acquise dans les tranchées et l’aura dont il jouira désormais aux yeux de la population, c’est la promesse d’une place nouvelle faite aux femmes qui n’ont pas démérité dans l’arrière-pays durant la grande guerre. Les nouvelles représentations sociales et culturelles que ces bouleversements provoquent, fondent la vraisemblance de cette histoire et la rationalité des hypothèses narratives qui sont au crédit de cet exercice d’anticipation. Il faut se souvenir que le roman de Stevenson appartenait avant tout au genre policier et que le caractère fantastique de l’énigme a valeur de réponse à une enquête policière de routine. Une fois la possibilité de cette transformation admise, place à la description naturaliste et positiviste de ce que le « psycho-somatisme » attribue au « sexe faible ».
Mais le roman sait éviter le raccourci qui consisterait à admettre que seul une être passé par l’expérience des deux sexes serait capable d’en parler « scientifiquement ». Il fourmille de lieux communs sur les « tempéraments » féminins et les préjugés masculins, dans une société où la division des rôles « sexués » n’a pas l’habitude d’être questionnée. En ce sens, ce récit profile sans doute un horizon d’une autre société possible, égalitaire et ouverte, où les êtres seraient éclairés et ainsi curieux de l’autre, quel que soit son sexe, en somme, une société dont on attend toujours qu’elle survienne au XXIème siècle.
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