Karoo - La chronique BD

Dans un entretien avec son éditeur, Frédéric Bézian rappelle la mise en abîme qui l’a conduit à écrire l’adaptation d’une adaptation... Car après tout, rien de neuf ne pourra jamais suivre l’Iliade et l’Odyssée... En prenant appui sur cette demie vérité, il est possible de montrer que le travail de l’adaptation est tout de même un tour de force, que Bézian a ici relevé. D’ailleurs, l’auteur le dit lui-même, son personnage de Karoo n’est pas aussi cynique que celui du roman, son histoire se mêle d’ailleurs avec l’épopée originelle dans la BD, dans un entrelacs de ressentis, de références et de relents. Car au-delà d’Ulysse, c’est bien un Œdipe inversé qui s’impose petit à petit, une tragédie moderne avec en fond l’art et la famille, le mondain et le quinqua, des thèmes qui s’invitent désormais dans le paysage BD avec passion et force.

Bézian / Delcourt

De même, le traitement graphique joue sur les impressions. La bichromie, les points viennent apporter des ellipses, des pauses, et la couleur changeante semble donner une fausse allure de chapitres, alors que ce choix est un hommage aux cinq couleurs de la deuxième édition de Barbarella. Un choix surprenant et quelque peu déroutant, mais qui confère une identité visuelle claire à l’ensemble, comme si une même histoire pouvait se raconter, se nuancer à l’infini, que ce soit au niveau du scénario, ou graphiquement...

Bézian / Delcourt

Karoo est un ouvrage féroce et d’une fibre rare : creuser le talent et l’inspiration peut ressembler à de la copie mais souvent il dénote une faculté d’appropriation, de renouveau et d’originalité peut-être supérieure. Karoo en est une preuve.