Juppé, un roman bordelais

Notre avis : Le documentaire commence par une séparation pleine de larmes : la voix qu’on entend en off est celle du maire de Bordeaux qui dit, au cours d’une conférence de presse, adieu à la ville qu’il a administrée à partir de 1995, prenant la succession de Jacques Chaban-Delmas, avec une brève interruption de deux années, entre 2004 et 2006. Nous sommes en 2019, Juppé s’apprête à entrer au Conseil Constitutionnel.
Le film revient sur les années bordelaises d’un homme qualifié de "meilleur d’entre nous" par son mentor Jacques Chirac et qui se rêvait un destin présidentiel. S’il adopte un système d’énonciation plutôt convenu - l’interlocution par l’intermédiaire du "vous" -, s’il s’encombre de quelques clichés métaphoriques - "règne", "empreinte", "les portes ne peuvent vous résister", "votre costume de jeune marié à la ville de Bordeaux demande à être ajusté" - ce documentaire dit l’essentiel sur les années Juppé à Bordeaux, avec des intervenants dont les jugements plutôt positifs évoquent le rayonnement culturel de la cité, l’arrivée du tramway, la réfection des quais de la ville, le label Unesco. De rares voix contredisent le panégyrique, comme celle de Noël Mamère, parlent de l’expatriation de certains habitants à cause des loyers prohibitifs. Par ailleurs, le documentaire revient sur la personnalité du premier édile, tantôt qualifiée d’autoritaire, voire impulsive (l’intéressé lui-même dit "j’ai le sang chaud", fait amende honorable en reconnaissant des réponses parfois "agressives"), tantôt sincère et raisonnée, avec une évolution vers davantage de modération, dont le documentaire détermine une origine factuelle : la condamnation de l’homme politique, suite à l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris.
Tremplin de ses ambitions nationales, la cité aura finalement été le dernier port d’attache de Juppé, qui commente, avec sa réserve habituelle et quelques phrases compendieuses, ce segment essentiel de sa vie politique.