Le 15 février 2020
C’est toujours un pari risqué que de mettre en scène la barbarie nazie dans un style autant burlesque que poétique. Taika Waititi y parvient avec brio.
- Réalisateur : Taika Waititi
- Acteurs : Scarlett Johansson, Thomasin McKenzie , Roman Griffin Davis
- Genre : Comédie dramatique, Film de guerre
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Twentieth Century Fox France
- Durée : 1h48mn
- Date télé : 31 mars 2021 22:52
- Chaîne : Canal +
- Date de sortie : 29 janvier 2020
Résumé : Jojo est un petit allemand solitaire. Sa vision du monde est mise à l’épreuve quand il découvre que sa mère cache une jeune fille juive dans leur grenier. Avec la seule aide de son ami aussi grotesque qu’imaginaire, Adolf Hitler, Jojo va devoir faire face à son nationalisme aveugle.
Notre avis : On se souvient de la comédie grinçante et quelque peu dérangeante de Roberto Benigni, qui mettait en scène l’horreur des camps de la mort à travers le regard d’un petit garçon et d’un clown déjanté. Taika Waititi ose à son tour un projet aussi difficile, mais en transportant son récit en Allemagne, en pleine guerre mondiale, dans les yeux d’un petit garçon, un nazi aussi convaincu qu’il est manipulé par les autorités et les militaires, comme nombre d’enfants à cette époque. D’ailleurs, le générique d’entrée s’ouvre sur des photographies d’époque, où l’on comprend immédiatement la puissance du gouvernement allemand pour rallier à sa cause autant de tout jeunes gens. Le point de vue du cinéaste est clair : raconter l’horreur, en privilégiant une tonalité burlesque et décalée.
- Copyright 2019 Twentieth Century Fox
Cette appétence à l’ironie et à l’humour noir est confortée par le fait que le cinéaste lui-même joue le personnage d’Hitler. Il s’agit en réalité d’une sorte d’ombre fantomatique qui apparaît aux yeux du petit Jojo, tous les jours, et qui lui bourre le crâne d’une idéologie macabre et de la nécessité de rejoindre l’armée pour servir le régime. Dieu merci, le petit bonhomme est loin d’être taillé pour la lutte ; il manque de s’exploser sous une grenade et se retrouve ainsi contraint à rester chez lui et à subir des séances de rééducation. Le joli blondinet attachant devient déjà un blessé de guerre, balafré et vulnérable.
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Le propos vise le rire et le divertissement à première vue. On se surprend même à s’amuser des situations cocasses que vit le jeune garçon, et qui sont pourtant l’expression des pages les plus noires de l’histoire du monde. Le plus terrible demeure cette manière dont le petit héros caricature le peuple juif, démontrant par là-même la facilité avec laquelle les nations populistes s’arrangent avec la réalité et diabolisent leurs minorités. On pressent bien que le commandant K qui règne sur la ville n’a pas que des relations professionnelles avec le jeune assistant qui l’accompagne, mais il ne semble y avoir rien de pire que ces juifs que la pensée populiste réduit à quelques monstruosités. Jojo incarne bien un apprenti nazillon et le spectateur ne peut rester indifférent au processus de manipulation à l’œuvre, lorsqu’il s’agit de convertir tout un peuple aux pires idéologies. La banalisation de la barbarie compose, et on l’oublie souvent, avec une résistance secrète, comme la maman de Jojo qui, malgré ses airs dominateurs, cache dans sa demeure une jeune fille juive et diffuse des tracts contre le régime.
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La poésie et la délicatesse côtoient le rire et la cruauté. Le film ne cède jamais à la pleurnicherie, au misérabilisme ou à la vulgarité. Parfois, le spectateur est traversé par l’agacement, tant les scènes lui semblent sinon excessives, en tout cas à la limite du grotesque. En réalité, au fur et à mesure que le récit se déroule, au rire succèdent la douceur et la nuance. La cocasserie du début finit par prendre une autre signification à l’approche du générique de fin. Le cinéaste affiche un rythme très rock’n’roll, qui tranche avec l’idée que l’on se fait des films qui décrivent cette période trouble de l’histoire européenne. Grâce au rire, le long-métrage se dote d’une véritable puissance évocatrice qui, sans aucun doute, aura beaucoup plus de force pour nos jeunes scolaires que tout récit historique.
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ceciloule 19 février 2020
Jojo Rabbit - la critique du film
Poétique et burlesque, oui, vraiment... si les quelques premières minutes peuvent laisser présager du pire, bien vite ce petit blondinet et les frasques de son ami imaginaire, Hitler, nous arrachent un éclat de rire - tout est tourné en dérision et Taika Waititi prend le contrepied de tout misérabilisme grâce à son humour grinçant, à ses acteurs delicieux et à ses décors colorés. Au final, il s’agit d’une jolie ode à la tolérance (mon avis ici : https://pamolico.wordpress.com/2020/02/14/jojo-rabbit-taika-waititi/)