Le 29 juillet 2005
- Scénariste : MARCO, Jean-Louis
Du haut de ses trois albums, Jean-Louis Marco a déjà fait son trou dans la bande dessinée d’humour. Rencontre avec un autodidacte gouailleur.
Du haut de ses trois albums, Jean-Louis Marco, 31 ans, a déjà fait son trou dans la bande dessinée d’humour. Il vient de publier le tome 3 de la série Rosco le Rouge, qu’il réalise entièrement, sauf les couleurs. Rencontre avec un autodidacte gouailleur qui a fait ses gammes dans le milieu du fanzinat.
Quelles sont les BD, les auteurs qui ont bercé votre enfance ?
JLM : Houlà ! Il y en a tant... Bien sûr, petit, je connaissais les classiques : Lucky Luke, Astérix, Tintin... Adolescent, je lisais beaucoup les comics de super-héros qui paraissaient dans Strange. C’est comme ça que j’ai découvert Frank Miller, qui animait Daredevil à l’époque. A 14 ans, j’ai eu un choc en découvrant Muñoz. Je me suis aussi mis aux récits d’aventure, au western, au travers de Blueberry, et des œuvres d’Hermann (Les tours de Bois-Maury, Jeremiah). A 17 ans, j’ai découvert Les légendes des contrées oubliées (par Chevalier et Ségur). Je trouve courageux de la part des auteurs d’avoir mené en trois albums un univers cohérent, et de ne pas avoir prolongé la série pour des raisons mercantiles. Il y a eu bien sûr Aquablue, par Cailleteau et Vatine, puis Marshall law, par O’Neill et Mills. C’est une série que j’aime bien, de par son ton, son graphisme... J’ai aussi découvert Akira (Otomo) à l’adolescence, puis Rêves d’enfants, du même auteur (réédité sous le titre Domù, chez les Humanoïdes Associés). A l’époque, je vivais à Cilaos, un village de la Réunion, où la bibliothèque municipale était curieusement très riche en BD.
En 2003, c’est la sortie du tome 1 de Rosco le Rouge. Comment avez-vous imaginé cette série ?
JLM : Eh bien, vu que je voulais me lancer dans la BD, il a fallu créer un univers, un sujet, des personnages... Je n’avais pas envie de faire de l’heroic-fantasy, ni du futuriste. J’ai essayé plusieurs trucs. Rosco le Rouge était en quelque sorte un exercice de style, mais je le trouvais plus intéressant et abordable que d’autres idées. Je connaissais Lewis Trondheim (co-auteur, entre autres, du "multivers" Donjon, et fondateur de la maison d’édition L’Association), qui m’a conseillé de contacter certains éditeurs.
Je l’ai proposé à plusieurs éditeurs, dont Dargaud et Delcourt. Delcourt était intéressé, mais ils trouvaient le mousse trop moche, et me demandaient de le faire un peu plus mignon, histoire de le mettre en collection jeunesse. J’ai refusé, car je craignais qu’ils me demandent de changer également le look des autres personnages. Et puis un jour, au cours d’un festival à Montpellier, j’ai discuté avec Loran et Pôl, l’éditeur du Cycliste. Pôl a été d’accord pour le prendre. J’avais alors réalisé une quinzaine de pages de Rosco le Rouge.
Vous dites vous être inspiré de Pirates de Polanski pour l’humour et l’ambiance. Sur les tomes 2 et 3, quels films vous ont influencé ?
JLM : Ce n’est pas une influence directe. Disons plutôt que c’est un film que j’aimais bien. Lorsque je devais réfléchir aux expressions, aux réactions de mes personnages, je pensais au Capitaine (Walter Matthau) du film, par exemple. Pour le tome 2, il n’y a pas non plus de référence directe, même si je suis assez preneur des films de zombies comme les Evil dead. Il y a aussi un peu du Bal des vampires, toujours de Polanski. Pour le tome 3, j’avais envie de faire un truc sur Marseille, ma ville natale. C’est une sorte de retour aux sources.
Sur le tome 2, c’est Myriam qui a fait les couleurs. C’est un choix personnel ou c’est votre éditeur qui l’a souhaité ? Pourtant les couleurs du tome 1 étaient réussies...
JLM : Lorsque j’ai fini l’encrage du tome 1, j’ai failli pleurer au moment d’attaquer les couleurs. Pour moi, l’album était fini, c’était relativement pénible de réattaquer les 46 pages. Du coup, une fois terminé, j’ai demandé à mon éditeur de me trouver une coloriste. Myriam est arrivée pour faire le tome 2, on s’entend très bien. Elle est patiente et ouverte, on échange beaucoup. Le tome 2 avait des tonalités très sombres, mais c’était voulu par l’histoire. Sur le tome 3, les couleurs sont plus lumineuses, ça se passe quand même à Marseille !
Parlez-nous de ce tome 3.
JLM : Il y a un changement de ton. C’est une histoire avec une espèce de savant fou qui enlève des enfants dans l’orphelinat où a grandi Rosco, pour en faire une sorte d’élixir de jouvence. Il fait au préalable des expériences sur des cochons. Rosco, en revenant sur les lieux de son enfance, retrouve des vieux potes, boit un peu, et se retrouve embarqué dans l’histoire.
La Pieuvre, le mousse de Rosco, semble passer très vite du statut de faire-valoir à celui de véritable moteur du récit, voire de héros principal. Etait-ce prémédité ou cela est-il venu au fil de l’écriture ? Est-il votre personnage préféré ?
JLM : C’est vrai que la Pieuvre va chercher le trésor, par exemple... Rosco, lui se fait couper le nez, mais il a quand même un rôle important au début du tome 2. Le tome 3 est recentré sur lui. C’est quand même lui le boss ! La Pieuvre, lui, redevient un apprenti pirate, un futur grand, mais il reste un gamin dans ses comportements, ses pensées, etc. Dans ce tome 3, il dépend beaucoup de Rosco, car il bute contre plus grand et plus fort que lui. Même si c’est un petit teigneux un peu insouciant, c’est un enfant de 8 ans.
La première trilogie de Rosco le Rouge est bouclée. Que nous réserve la suite ?
JLM : Je souhaitais faire une pause. Je me suis récemment remis au pinceau, et j’ai envie de faire des choses avec cette technique. Actuellement je bosse sur un jeu de plateau développé avec mon frère et un copain. Ca parle de zombies... C’est vrai que ça craint un peu avec tous les jeux sur le même thème qui sortent en ce moment. On espère pouvoir finir ça cet été. Je me remettrai ensuite à proposer de la BD aux éditeurs, ne serait-ce que pour des raisons économiques.
J’ai démarré depuis un bout de temps un projet avec Nicolas Poupon (Le fond du bocal, Kirouek !). On a les personnages, une vague intrigue (ça traite de paranormal en 1870 à Bordeaux). On a écrit le tome 1, mais je sens que ça risque de repartir aussi pour 3 albums, et je n’ai pas trop envie de ça pour l’instant.
Vous n’avez pas envie de travailler avec un scénariste et de vous consacrer au dessin ? Ou au contraire de devenir "simple" scénariste pour l’univers graphique d’un autre ?
JLM : Disons que pour moi, un dessinateur ne doit pas être qu’un « illustrateur ». Et je me vois mal lâcher le dessin pour ne me consacrer qu’au scénario. Ou alors ce serait pour adapter un bouquin à ma sauce. Il y a beaucoup de scénaristes qui proposent des scenarii très découpés, avec pas mal de rigueur. J’ai un peu de mal avec ce genre, je préfère décider moi-même du découpage, des cadrages... mais je reste ouvert, bien sûr.
Quel auteur actuel admirez-vous ? Avez-vous eu un coup de foudre BD récemment ?
JLM : Récemment, j’ai lu un album qui s’appelait Notes pour une histoire de guerre, par Gipi. C’est un dessin assez lâché, au lavis noir et blanc. Les cadrages sont audacieux, vraiment intéressants. Ça raconte l’histoire de trois Européens dans une Italie un peu balkanisée. J’ai pris une grosse claque avec ce mélange Muñoz/Blain, qui ressemble à du Baru... Pour en revenir aux auteurs actuels, je regarde lorsque Corben (Den, Hellblazer, Punisher, Hulk...) sort un album, c’est un auteur que j’aime beaucoup. J’aime bien ce que fait Muñoz (Alack Sinner), bien sûr, mais certains de ses albums ne sont pas terribles... J’ai découvert récemment L’or et l’esprit, par Rochette, dans des vieux A Suivre, le magazine BD de Glénat. Ça m’a complètement bluffé. Tiens, j’ai aussi découvert The autobiography of me too, de Yohann Bouzard ; ça m’a fait péter de rire, et en même temps, je suis un peu jaloux, j’aimerais arriver à ce niveau. C’est très différent de l’autobiographie "classique". Je citerai également Winschluss, dont j’aime beaucoup le travail. Ah, et j’ai aussi lu récemment Le Marquis, de Guy Davis, paru aux Humanoïdes Associés.
Propos recueillis à Bordeaux le 15 mai 2005
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