Je m’appelle Hmmm... - la critique du film

Le premier long-métrage d’Agnès Troublé est un voyage initiatique original qui revisite joliment le road movie classique.

L’argument : Une fiction, la fugue d’une fillette de 11 ans, aînée de 3 enfants, la mère absente, le père prédateur, la grand-mère trop pure pour imaginer ce qui se passe. Classe de nature la fillette disparait… Elle est montée dans un camion ; un road movie merveilleux et tragique en compagnie d’un routier écossais, un voyage initiatique, une rencontre, des rencontres "où l’amour se pose".

Notre avis : Si Agnès Troublé est connue du monde entier pour être une grande créatrice de mode, elle est aussi une grande passionnée d’art et de cinéma, ayant produit plus d’une vingtaine de films avec sa société Love Stream. Je m’appelle hmmm est son premier long-métrage en tant que réalisatrice – elle avait cependant réalisé de nombreux court-métrages amateurs mettant en scène ses créations vestimentaires – et revisite, avec sensibilité et sobriété le road movie.

© Love Streams agne¦Çs b.Productions

Coincée entre une mère fatiguée et impuissante et un père qui abuse d’elle sexuellement, Céline s’occupe seule de son petit frère et de sa petite sœur, alors qu’elle n’a que dix ans. Un voyage scolaire lui donne l’occasion inespérée de s’arracher à cette existence qu’elle ne supporte plus. Elle se cache dans le véhicule d’un camionneur écossais, qui s’occupe bien d’elle, et avec qui elle parcourt les routes de France. Les deux protagonistes partagent tout, discutent en anglais et en français, s’arrêtent boire un café, et le spectateur est embarqué dans un magnifique voyage, plein de douceur et de tendresse, durant deux heures qui passent avec délice. La force de ce film vient assurément de son scénario – qu’Agnès Troublé a écrit d’une traite. La réalisatrice est parvenue à créer de vrais personnages, à leur donner, aussi bien sur le papier que sur le plateau de tournage, une véritable personnalité, une profondeur et une force de caractère qui font mouche.
Ce qui intéresse la réalisatrice, c’est la description, l’étude du caractère de cette petite fille, forte de tout ce qu’elle a subi, sa fugue et son apprentissage du monde. Ainsi, bien plus qu’un simple road-movie, ce film est un véritable parcours initiatique que le spectateur suit avec plaisir. Mais le bonheur a un prix.

© Love Streams agne¦Çs b.Productions

L’on pourrait penser, de prime abord, que ce film est une création engagée, dénonçant, du mieux qu’il peut, l’inceste dont sont encore victimes de nombreux enfants. Toutefois, cette dimension du récit n’est pas primordiale et n’est reléguée qu’au second plan. Je m’appelle hmmm est avant tout un long-métrage sur la quête de soi qui se traduit ici par la question des noms (Céline dit s’appeler hmmm aux policiers qui la retrouvent), sur les différentes manières d’appréhender le monde, que permet la multiplicité des points de vue de la caméra. Mais c’est aussi un film sur les préjugés, la loi, les erreurs judiciaires qui vous rattrapent, et font prendre à cette jolie histoire un virage tragique, particulièrement poignant et émouvant. En somme, loin de la mode et de ses défilés, Agnès Troublé se fait une place bien méritée dans le cinéma français et mondial (son film a été présenté dans de nombreux festivals étrangers), grâce à un premier long-métrage fort et soyeux, assaisonné de nombreux rebondissements qui en font un plat relevé.