Le 16 février 2017
Un très beau portrait de femme, aussi délicat que désespéré.
- Réalisateur : Antonio Pietrangeli
- Acteurs : Jean-Claude Brialy, Stefania Sandrelli, Ugo Tognazzi, Mario Adorf, Enrico Maria Salerno
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Italien
- Distributeur : Les Films du Camélia
- Durée : 1h37mn
- Date télé : 17 février 2022 20:40
- Chaîne : OCS Géants
- Reprise: 27 mars 2017
- Titre original : Io la conoscevo bene
- Date de sortie : 3 août 1966
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Résumé : Adriana est une jolie provinciale qui rêve de devenir actrice. Elle quitte son village natal pour faire carrière à Rome. Légère et candide, la jeune fille multiplie les aventures et les emplois en quête d’un rôle. Désarmée face aux humiliations et aux manipulations, elle choisit une issue tragique.
Critique : Le film s’ouvre sur un long travelling qui dévoile une plage jonchée de détritus ; au bout de ce travelling, le corps de Stefania Sandrelli, allongée, en maillot. Ces quelques minutes sont programmatiques : la fascination pour l’actrice, omniprésente et, il faut le dire, exceptionnelle, mais aussi le sale environnement qui cause sa perte seront développés pendant la totalité du métrage. En ce sens, Je la connaissais bien est un récit initiatique à l’envers : Adriana n’apprend rien qu’un dégoût progressif en rencontrant des êtres cyniques et méprisants. Elle qui s’offre sans compter, elle qui dans sa naïveté ne cesse de faire confiance, se voit rejetée, moquée par tous : des cinéastes aux producteurs, des amants de passage aux journalistes, tous profitent d’elle et la laissent seule avec ses disques. Pietrangeli la filme avec passion, la regarde et prend son temps pour saisir son visage émouvant (voir la scène où elle téléphone à la place de son amant qui la trompe, bouleversante) ou son corps plein de vie. Elle danse et aime, vit « dans la minute » comme le lui affirme l’écrivain, dans un tourbillon amoral et bercé de scies musicales qui meuble un vide existentiel, de plus en plus prégnant.
- Copyright Les Films du Camélia
La galerie de personnages secondaires est elle aussi admirable : elle divise le monde en deux, les vainqueurs, ceux qui profitent sans scrupules, et les vaincus, ses doubles, pathétiques comme Tognazzi, ou touchants comme Franco Nero. La séquence dans laquelle le premier s’humilie, dans sa longueur même, est éprouvante ; elle dit bien cet écrasement des petits, prêts au ridicule et au malaise ; on sent la sympathie du cinéaste et des scénaristes (dont Ettore Scola) à l’égard de ces laissés-pour-compte ; ainsi du boxeur, défait, qui ne peut plus siffler et conserve dans sa valise la photo d’une inconnue inaccessible. Ainsi surtout de l’héroïne, ballottée sans merci dans des itinéraires en boucle, vains et destructeurs. On n’est jamais loin de la moquerie devant cette avalanche d’échecs qu’elle semble prendre sans découragement pendant la majeure partie du film. Mais la goutte d’eau, difficilement définissable, l’emporte : Adriana commence par salir le sol, puis c’est son visage qu’elle macule en laissant couler le mascara. Elle que rien ne semblait salir, voilà que des gestes quotidiens légèrement décalés deviennent le signe de sa fin dramatique. Pietrangeli reprend ici un procédé (la chute de la caméra) qu’Ophüls avait utilisé dans un segment du Plaisir, autre récit magnifique de désespoir féminin.
- Copyright Les Films du Camélia
De ce beau film méconnu, on retiendra nombre de séquences dans lesquelles le cinéaste se contente, si l’on ose dire, de filmer son actrice, avec ses perruques et son visage tendre et doux : moments vides, simple contemplation, précieux dans leur gratuité même. Ils semblent retarder l’échéance, dire qu’elle est encore là, encore vivante et pourtant l’acheminent vers la fin. C’est aussi par le ton singulier, ni comédie ni mélodrame, observation minutieuse magnifiée par d’incessants travellings, que Je la connaissais bien émeut et captive. Jamais moraliste, presque neutre, le regard à hauteur d’homme (malgré quelques coquetteries) suit l’itinéraire d’Adriana avec une justesse rigoureuse et exemplaire.
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