Lares tutélaires
Le 20 août 2011
Un peu à part dans la filmographie de Pietrangeli, grand cinéaste méconnu, cette petite merveille d’humour et de poésie est à redécouvrir impérativement.
- Réalisateur : Antonio Pietrangeli
- Acteurs : Marcello Mastroianni, Vittorio Gassman, Sandra Milo, Belinda Lee, Eduardo De Filippo
- Genre : Comédie, Fantastique
- Nationalité : Italien
- Editeur vidéo : M6 Vidéo
- Plus d'informations : http://www.advitamdistribution.com/
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– Titre original : Fantasmi a Roma
– Sortie en Italie : 01 avril 1961
– Durée : 1h42mn
– Sortie DVD : le 17 août 2011
Un peu à part dans la filmographie de Pietrangeli, grand cinéaste méconnu, cette petite merveille d’humour et de poésie est à redécouvrir impérativement.
L’argument :Le vieux prince Don Annibale di Roviano cohabite avec ses fantômes ancestraux dans son antique palais romain. Il refuse l’offre alléchante que lui fait une société immobilière qui voudrait acheter son palais pour en faire un grand magasin. Le prince meurt subitement et Reginaldo, son héritier, conclut la vente. Alors que le palais semble perdu, les fantômes y créent une fresque semblable à celles peintes par Il Caparra et l’édifice est classé monument historique.
Notre avis : La carrière de réalisateur d’Antonio Pietrangeli (1919-1968) s’étend sur tout juste quinze ans : de 1953 (Il sole negli occhi) à sa mort accidentelle pendant le tournage de Come, quando, e perchè qui sera terminé par Valerio Zurlini (1926-1982). Celui-ci est un peu son frère en cinéma et leurs films ont bien des points communs : goût pour les personnages fragiles et inadaptés, sensibilité à fleur de peau, mélancolie profonde cachée sous une légèreté de surface, maniérisme revendiqué de la forme.
Nata di marzo (1958, avec Jacqueline Sassard), La parmigiana (1962, avec Catherine Spaak), La visita (1963, avec Sandra Milo) et Io la conoscevo bene (1965, avec Stefania Sandrelli), merveilleux portraits féminins, sont sans doute les perles les plus précieuses de la filmographie du cinéaste.
Fantasmi a Roma, luxueuse production de Franco Cristaldi pour Vides Cinematografica, dotée d’un casting all stars, se présente comme une oeuvre nettement moins personnelle. C’est pourtant une petite merveille d’humour raffiné et de poésie qui ne dépare pas un bel ensemble comprenant au total, outre de nombreuses collaborations comme scénariste, une dizaine de longs métrages plus quelques contributions à des films à sketchs.
La présence, au script, d’Ennio Flaiano, dont l’humour satirique teinté d’onirisme est bien perceptible, les ritournelles tristes et joyeuses de Nino Rota et la sublime photo de Giuseppe Rotunno contribuent à donner une touche fellinienne à cette exquise fable surréaliste située dans la Rome de 1960. Car, bien entendu, c’est l’ancrage réaliste qui donne son sel à la fantaisie, nos fantômes quittant souvent le palais baroque qui est au centre de l’intrigue pour se mêler au monde des vivants dans les rues, les boutiques, les cafés ou même les écoles du vieux quartier central de la ville éternelle où ils sont chez eux depuis des décennies, voire des siècles pour certains d’entre eux. Mais ils s’aventurent même, à l’occasion, dans une boite de nuit ou au milieu des barres de HLM d’un quartier périphérique.
Le formidable travail de maquillage et d’éclairage, ainsi que les somptueux costumes de Maria de Matteis, rendent immédiatement crédible la cohabitation paisible des vivants et des morts sans que le film ait besoin de recourir à des trucages ou des effets spéciaux sophistiqués, (même si ceux-ci, réalisés par Franco Corridoni sont remarquables). Les fantômes sont simplement un peu plus blancs que les vivants et tantôt on les voit, tantôt on ne les voit pas. S’ils sont obligés de s’égosiller pour se faire entendre au téléphone, ils sont en mesure d’appuyer sur un interrupteur ou d’arracher une plume à un perroquet empaillé.
Ces aimables revenants, lares tutélaires du palais, ont toute la sympathie du spectateur et sont les (anges) gardiens d’un art de vivre menacé par l’agressive vulgarité du monde moderne incarnée ici par l’anglaise Belinda Lee (La Messaline du film de Cottafavi), en arriviste cupide, et l’inévitable (et parfait) Claudio Gora en promoteur sans scrupule.
Ils s’opposent aux figures hautes en couleurs qui animent le quartier de leur verve théâtrale, telle la clocharde superbe incarnée, avec la dose de cabotinage requise, par Lilla Brignone.
Tous les acteurs sont parfaitement à l’aise dans l’humour en demi-teinte qui est de mise ici. Eduardo de Filippo est très drôle en prince de vieille lignée qui se dispute avec son plombier (ex-camarade de classe et de jeu) et très émouvant dans la scène où, après sa mort, il retrouve son grand frère, petit garçon en costume marin qui n’a cessé de l’accompagner à son insu tout au long de son existence de vivant. La délicieuse Sandra Milo en noyée par amour replongeant dans le Tibre toutes les nuits par habitude et par désoeuvrement est parfaitement irrésistible avec ses bouclettes 1830 et sa placidité à toute épreuve.
Gassman, en guest star, fait du Gassman. Quant à Mastroianni, dans un double (et même triple) rôle, il émerveille une fois de plus par cet espèce de détachement qui le caractérise et qui est particulièrement bienvenu ici, tant il s’accorde au ton de ce film secret, qui sous les apparences trompeuses d’une comédie à l’italienne grand public, enchantera les happy few par son charme et sa drôlerie.
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