Le 25 mars 2018
Commençant comme du Maupassant et se terminant comme du Zola, ce film délicat s’attache à des personnages poignants et parvient sans peine à toucher profondément.
- Réalisateur : Antonio Pietrangeli
- Acteurs : Marcello Mastroianni, Emmanuelle Riva, Sandra Milo, Simone Signoret, Gina Rovere
- Genre : Comédie dramatique, Noir et blanc
- Nationalité : Italien
- Distributeur : Les Films du Camélia
- Durée : 1h45mn
- Reprise: 31 janvier 2018
- Titre original : Adua e le Compagne
- Date de sortie : 5 mai 1961
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– Année de production : 1960
Résumé : Après la fermeture de leur maison close, quatre prostituées tentent de s’établir à leur compte en ouvrant ce qui s’apparenterait à un simple restaurant. Mais pour mener à bien leur projet, elles doivent solliciter l’aide d’un ancien homme du milieu qui menace leur tentative d’émancipation…
Notre avis : Gros succès d’un cinéaste injustement oublié, Adua et ses compagnes commence par la fermeture d’une maison close, qui jette à la rue des prostituées ; quatre d’entre elles s’unissent, telles des pendants féminins de La belle équipe pour ouvrir un restaurant, comptant sur l’oubli de la police pour continuer leur travail. Mais bien sûr, tout va se passer différemment de ce qui était prévu. Pietrangeli dresse le portrait de femmes blessées, terriblement humaines, et leurs dissensions sont révélatrices de tensions autant que de petits moments simples de bonheur (un fou rire, le baptême). Peu à peu, par touches légères, chacune dévoile sa forte individualité et, malgré l’abondance des dialogues, ce sont les visages et le jeu des remarquables comédiennes qui en disent le plus. Dans le rôle titre, Simone Signoret est, à l’habitude, magistrale de retenue et de non-dit ; mais les autres, et en particulier Sandra Milo et Emmanuelle Riva, ne déméritent pas. La séquence de la venue de l’enfant, touchante et sobre, permet à cette dernière une composition tout en finesse.
- Copyright Les Films du Camélia
Pietrangeli excelle dans de courtes scènes qui ne doivent rien au drame : on est plus proche du néoréalisme, de l’accumulation de moments faibles qui, mis bout à bout, dessinent en creux des destins ordinaires mais poignants : la demande en mariage de l’une, la drague d’un vendeur de voitures baratineur (Mastroianni), le baptême et sa fête, sonnent comme des promesses d’un avenir différent, qui se fracassent sur la réalité ; comme le dit Caterina, « ça ne sert à rien de se faire des films ». Alors une sourde mélancolie se développe peu à peu et contamine l’ensemble du film.
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Initiation à rebours, si l’on veut, ces quatre femmes apprennent qu’elles ne peuvent lutter dans un monde qui les a étiquetées ; leur indépendance est illusoire, le « docteur » qui a financé le restaurant n’est qu’un souteneur des plus vulgaires et les prières sont inutiles. En mineur pendant la plus grande partie, le film dessine les contours d’une société impitoyable dans laquelle les hommes ont le mauvais rôle ; le beau rêve ne devait être qu’un prétexte, mais les femmes découvrent une autre vie, y prennent goût : la chute n’en est que plus cruelle.
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On peut reprocher à Adua et ses compagnes d’être un peu lent, un peu caricatural, mais quelle puissance ! Pietrangeli filme au plus près ces visages fragiles, suivant par d’habiles travellings quand ils se déplacent, les magnifie constamment par un regard empathique et, il faut l’ajouter, un beau noir et blanc. Il touche au cœur, alternant douceurs et aigreurs, en un crescendo qui aboutit à la dernière séquence finale, déchirante. On ne peut qu’être ému par la déchéance d’une femme qu’on sentait si forte ; mais la force ne suffit pas face à la pression publique. En un geste désespéré et cathartique, les prostituées saccagent leur restaurant, devenu le symbole de leur échec ; le constat est amer et définitif. De ce beau film sensible et sombre, infiniment délicat, on sort bouleversé. Avec de petits moyens, sans hausser le ton, le cinéaste parvient à hisser une histoire simple au rang de drame révoltant.
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