Le 6 septembre 2018
Une comédie féroce et plutôt sombre menée tambour battant par un Alberto Sordi déchaîné.
- Réalisateur : Antonio Pietrangeli
- Acteurs : Alberto Sordi, Nino Manfredi, Madeleine Fischer, Renato Terra
- Genre : Comédie, Noir et blanc
- Nationalité : Italien
- Distributeur : Les Films du Camélia
- Durée : 1h30mn
- Reprise: 5 septembre 2018
- Titre original : Lo Scapolo
- Date de sortie : 21 mai 1958
L'a vu
Veut le voir
– Année de production : 1955
Résumé : Paolo Anselmi est un homme célibataire et heureux.Il vit dans un appartement avec un ami, mais il est forcé de partir lorsque ce dernier se marrie. Il emménage alors dans une pension, où il fait la connaissance d’une jeune femme qu’il courtise. Mais il se défile lorsqu’elle lui propose un mariage. Alors qu’il rend visite à sa mère, Paolo se rend compte que celle-ci cherche aussi à jouer les entremetteuses…
Notre avis : Troisième film de Pietrangeli si l’on compte un sketch en 1954, Le célibataire est une œuvre obsessionnelle, qui ne parle quasiment que de mariage, que ce soit pour le refuser ou le désirer. À travers le savoureux personnage interprété avec sa verve habituelle par Alberto Sordi, il porte un regard au fond assez triste sur l’Italie des années 50, en pleine mutation : si les objets envahissent le quotidien (voitures, réfrigérateur), c’est aussi la morale qui évolue ou plutôt semble évoluer ; les femmes sont censées être libérées et le dialogue y insiste, mais elles ne cherchent que les noces. Ainsi voit-on une hôtesse de l’air, une secrétaire ou même la logeuse d’un certain âge tenter de convertir Paolo plus ou moins adroitement dans des scènes d’un comique acerbe qui côtoie sans cesse le malaise. Malaise quand la logeuse s’approche sur le canapé, malaise quand l’hôtesse pleine d’espoir songe à interrompre sa carrière. Car Paolo, malgré ses rodomontades (il faut le voir faire le beau à la terrasse d’un café pour épater des villageois ou s’essuyer les lèvres à deux reprises pour effacer les traces imaginaires d’un rouge à lèvres) est surtout un enfant qui appelle sa mère quand il a de la fièvre et refuse les responsabilités en fuyant : on le voit à de nombreuses reprises partir d’un bar, d’un bus ou d’un intérieur. À chaque fois il invoque un prétexte réel (Anna parle trop fort, est vulgaire ; Catina est prétentieuse) ou imaginaire (Elsa pourrait ressembler plus tard à sa mère) pour s’éclipser et retourner à sa vie de célibataire qui, contrairement à ce qu’il clame, est largement frustrante, à l’image de la pension sinistre qu’il habite.
Ses rencontres avec diverses femmes constituent autant de petits sketches souvent amusants qui analysent la difficulté des relations dans le monde contemporain. D’échec en fuite, Paolo s’interroge de plus en plus sur l’avenir : l’angoisse devant sa perte de cheveux symbolise cette peur d’ une solitude de moins en moins choisie et fait écho à la recherche d’un mari par des femmes avides. On parle en effet très peu de sentiments dans Le célibataire : le mariage est un but en soi, une échappatoire ou une obligation sociale plus qu’un engagement amoureux. En ce sens, le film repose sur une vision assez sinistre : dès le début d’ailleurs, à la noce de son ami Armando, un cruel travelling montre des convives pathétiques obsédés par l’argent et la nourriture. Et si la voix off de Paolo se félicite de n’être pas le marié, la fin, en écho, le présente comme piégé à son tour : la photo qui clôt le métrage le fige en une pose hébétée.
Comédie de mœurs, acerbe et mesurée, Le célibataire est aussi un documentaire sur une Italie étriquée, celle des villes comme celle des campagnes, dans laquelle la plupart des personnages sont frustrés. Pietrangeli fouille et gratte là où ça fait mal : le confort moderne naissant ne dissimule pas un mal-être tenace dont chaque personnage constitue une facette, et chaque situation enfonce le clou avec vigueur. Pourtant l’émotion n’est pas absente de ces portraits pathétiques et sans verser dans le sentimentalisme, des petites notes touchantes humanisent quelque peu ce très sombre tableau où l’on rit constamment jaune.
- D. Germain
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.