Daeninckx raconte quarante ans de la vie d’un fonctionnaire, aveuglement dévoué à un État aux pratiques douteuses. Cela se passe en France, entre 1942 et 1981.

Les ouvrages de Didier Daeninckx se suivent et ne se ressemblent pas. Si l’écrivain doit sa notoriété à ses nombreux polars, il s’éloigne cette fois totalement du genre pour raconter quarante ans de la vie de Clément Duprest, entré en 1942 dans la police nationale, durant une période on ne peut plus trouble. La France est divisée en deux et Duprest ne s’embarrasse pas de principes. Il obéit aveuglément aux ordres, dénonce, torture, embarque, condamne. En fonctionnaire discipliné, il effectue les sales missions sans discuter. Juifs, terroristes et communistes, dans le même panier !
A la Libération et sans jamais se remettre moralement en cause, Duprest sauve sa peau et poursuit sa carrière, beaucoup plus précieuse que sa petite famille. La République sait qu’on peut compter sur lui. On le retrouve en Algérie quelques années plus tard, initié aux petites confidences mesquines de supérieurs influents, puis au sein d’une milice souterraine de l’Etat chargée d’exécuter les rouges menaçant le règne d’un De Gaulle tout puissant.
Duprest incarne les mœurs et les mentalités françaises les plus détestables de la deuxième moitié du XXe, répugnant produit d’un pays toujours prompt à flanquer ses cadavres au placard. Avec ce roman, Daeninckz met en avant l’hypocrisie d’un État surpuissant, incapable de reconnaître ses fautes et toujours coupable de crimes inavoués et crapuleux. Paradoxalement, le roman pèche un peu par excès d’ambition. A vouloir couvrir une période si riche et si compliquée, Daeninckx s’englue parfois dans trop de détails historiques et délaisse les ressorts fictionnels de son roman. On lui reconnaît pourtant le mérite d’avoir plongé les mains dans ce cambouis républicain, ce qui est suffisamment rare pour être salué.